croissance
 et scandale écologique

L’environnement souffre de plus en plus de l’exploitation des ressources minières et pétrolières. Mais ses défenseurs commencent à se mobiliser.

Publié le 24 novembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Le Nigeria est le premier producteur de pétrole d’Afrique, mais aussi le premier pollueur. Le coupable ? Le torchage du « gaz associé », pratique consistant à brûler, après extraction de l’or noir, les hydrocarbures gazeux initialement dissous dans celui-ci à l’aide de ces immenses torchères qui éclairent les plates-formes éparpillées dans les méandres du delta du Niger, le réservoir pétrolier du pays. D’après la Banque mondiale, les trois quarts du gaz associé produit dans la région, soit 1 000 mètres cubes pour un baril à raison de 2,5 millions de barils par jour, sont brûlés, ce qui fait du Nigeria le plus grand « brûleur » de gaz associé de la planète. Or, cette combustion entraîne des émissions de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère et, partant, contribue au réchauffement climatique. Plus directement, le torchage génère des fumées contenant des produits aussi toxiques que la dioxine et le benzène, affectant gravement la santé des populations vivant aux alentours. Il n’existe pas de statistiques précises, mais des exemples empiriques. Dans l’État de Bayelsa, qui compte 17 plates-formes onshore, la plupart situées à proximité des villages, de nombreux cas d’asthme, de bronchites chroniques et même de leucémies ainsi que de morts prématurées sont recensés. Et ce ne sont pas les seules conséquences : les habitants se plaignent des pluies acides qui rongent les toits en tôle ondulée et la peinture de leur maison, flétrissent la végétation et empoisonnent les lacs et les fleuves, traditionnellement sources d’eau potable pour le bétail.

Pour les populations du delta du Niger, la pollution par le torchage du gaz est d’autant plus scandaleuse que, depuis le début de l’exploitation pétrolière, dans les années 1960, elles n’ont pas vu la couleur des dividendes de l’or noir. Au Nigeria, plus de 60 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cette double injustice – pollution et inégale répartition des richesses – est utilisée comme argument par les milices locales qui se font entendre à coups d’enlèvements du personnel expatrié des majors et de sabotage des installations. En vain. La voie légale empruntée par les ONG, notamment Friends of the Earth Nigeria, qui plaident auprès des autorités pour que la loi soit appliquée et le gaz récupéré, comme cela se fait dans certains cas (voir encadré page suivante), n’est guère plus fructueuse. Un texte de 1984 interdit en effet le torchage du gaz à moins d’une autorisation gouvernementale. Mais personne ne sait si les majors disposent effectivement de cette autorisation et le statu quo perdure. D’après la Banque mondiale, le torchage du gaz représente pourtant un manque à gagner annuel de 2,5 milliards de dollars pour le pays.

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Le cas du Nigeria est symptomatique du paradoxe africain : l’exploitation des ressources du sous-sol y pollue plus qu’ailleurs et engendre d’importants coûts environnementaux et humains, impossibles à mesurer en dollars. Le sous-sol est pourtant la première richesse de l’Afrique, qui compte 30 % des réserves de minerais de la planète, notamment 40 % de l’or, 60 % du cobalt et 90 % du platine. Pour la seule Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), les industries minières représentent 10 % du PIB et 5 % des emplois. Pour l’Angola, le Botswana, la RD Congo, la Namibie, la Zambie, l’Afrique du Sud ou la Tanzanie, les produits miniers représentent 22 % à 90 % des exportations. Mais parce que les contrôles ne sont pas assez rigoureux, parce que dans certains cas les lois n’existent même pas ou que les compagnies exploitantes achètent la bienveillance des autorités, l’extraction de l’or au Ghana et au Mali, du cuivre en Zambie ou de l’uranium au Niger s’accompagne souvent de dégâts sur l’environnement et la santé des populations.

Certains sites peuvent payer pendant des décennies le prix d’une exploitation industrielle laxiste. L’ONG américaine Blacksmith Institute réalise chaque année un classement des sites les plus pollués de la planète. Kabwe, deuxième ville de Zambie située à quelque 150 kilomètres au nord de la capitale, Lusaka, arrive au dixième rang de ce funeste palmarès. Pourtant, l’important gisement de cuivre – ressource constituant les trois quarts des exportations du pays – qui fit la richesse de la ville n’est plus exploité depuis 1994. Aujourd’hui, la fonderie ne fonctionne plus. Elle est laissée à l’abandon. Mais les poussières de plomb, de zinc et de cadmium (produit toxique provenant du zinc) qui s’en échappaient lorsqu’elle était en activité sont toujours présentes dans les sols et les eaux de la ville, à des niveaux nettement supérieurs aux maximums préconisés par l’Organisation mondiale de la santé.

Au Ghana, en Tanzanie et au Mali, l’exploitation industrielle de l’or, principal produit d’exportation pour ces pays, s’accompagne systématiquement de dégâts collatéraux. Les déchets issus du cyanure utilisé pour séparer l’or du minerai après son extraction constituent le premier fléau. Normalement, ces résidus – pour l’équivalent d’une bague, près de 18 tonnes de déchets sont produites – sont censés être conservés dans d’immenses « piscines » industrielles, conçues dans des matériaux résistants, pour être ensuite traités. « Au Ghana, souligne Keith Slack, chargé de campagne sur les industries extractives à l’ONG Oxfam America, les normes concernant les infrastructures dédiées aux déchets ne sont pas très contraignantes, contrairement à ce qui est exigé aux États-Unis ou au Canada. Les substances toxiques peuvent facilement s’évaporer. » Pour les entreprises exploitantes, c’est une économie réalisée en toute légalité. « Il y a toujours une contradiction entre les standards que les multinationales sont censées respecter dans leur pays d’origine et leurs obligations en Afrique », poursuit Keith Slack. Dans la région de Kayes, au sud du Mali, les communautés de Sadiola, où une mine d’or est en activité, dénoncent sans relâche le déversement des eaux polluées et les intoxications au cyanure.

Bien souvent, ce sont aussi les alentours des sites qui sont porteurs de pollution. En avril 2007, la Commission de recherches et d’informations indépendantes sur la radioactivité (Criirad) exposait les conclusions d’une enquête réalisée au Niger – troisième producteur mondial d’uranium – dans la région d’Arlit, à 1 200 kilomètres de la capitale Niamey, où se situe un important gisement d’uranium exploité par le français Areva. Elle y a constaté, « au moyen d’un radiamètre », que de nombreuses ferrailles radioactives ayant servi à l’exploitation de l’uranium avaient été récupérées par les populations, qui les utilisent comme matériaux de construction pour leur maison ou pour fabriquer des outils agricoles, des ustensiles de cuisines, des tuyaux… Moustapha Alhacen, président de l’ONG Aghirin’Man, reconnaît toutefois que, depuis quelque temps, « la situation s’est améliorée » et que « Areva a accepté de mettre en place un observatoire de santé autour de la mine ». 

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Plusieurs gouvernements exigent désormais des études d’impact environnemental pour les grands projets. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, qui, avant de délivrer une autorisation pour l’exploitation d’une mine de titane dans la réserve de Sainte-Lucie, a fait réaliser une étude. L’exploitation minière ayant été jugée préjudiciable pour la biodiversité, le permis a été refusé.

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