Des atouts à faire valoir

L’envolée des investissements directs étrangers en Afrique illustre le regain d’intérêt suscité par le continent, tant auprès de ses partenaires traditionnels que des pays émergents.

Publié le 24 novembre 2008 Lecture : 6 minutes.

Après deux années 2005 et 2006 excellentes, qui avaient vu le montant des investissements directs étrangers (IDE) en Afrique doubler en deux ans, l’année 2007 a été globalement moins bonne pour le continent. Selon les données préliminaires fournies par la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), le niveau estimé des IDE a été stable par rapport à 2006. L’Afrique a encore attiré 2,3 % des investissements globaux, un chiffre cohérent avec son poids économique mais encore très loin des seuils que certains aimeraient voir atteints. Sur un total de 35,6 milliards de dollars, l’Égypte aurait reçu, pour la deuxième année consécutive, autour de 10 milliards. Le Maroc (5,2 milliards de dollars), l’Afrique du Sud (5 milliards), le Soudan (2,2 milliards) et la Tunisie (1 milliard) complètent la liste des principaux pays destinataires d’investissements étrangers sur le continent. Au Soudan comme dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, les IDE ont été drainés par les secteurs pétrolier et minier, même si une large part a ciblé les services, notamment les télécoms. Des évolutions à prendre avec prudence : les chiffres délivrés par la Cnuced ne prennent en compte que les investissements dans le capital de sociétés africaines. Ils n’incluent pas, par exemple, les investissements étrangers sur les Bourses africaines, parce que ceux-ci peuvent sortir aussi vite qu’ils sont entrés dans le pays. Pourtant, ces placements sont en pleine explosion et révèlent à la fois la place, encore marginale mais croissante, qu’occupe désormais le continent sur l’échiquier financier mondial et l’intérêt que suscitent aujourd’hui certains États africains sur les marchés internationaux de la dette (voir encadré).

L’Afrique du Sud aura fait en 2007 son grand retour sur la scène des IDE après une année 2006 paradoxale, qui avait vu de très gros investissements compensés par d’importants désinvestissements, liés notamment à des opérations de transferts de propriété vers des investisseurs noirs. Principal événement annoncé l’année dernière : la prise de participation record du chinois ISBC dans Standard Bank. Celui-ci s’est emparé de 20 % de la banque sud-africaine pour 5,6 milliards de dollars. Globalement, en 2007, l’Afrique subsaharienne aurait reçu 18 milliards de dollars d’IDE, contre 16 milliards l’année précédente. Ces chiffres doivent cependant être considérés avec précaution, car les statistiques provisoires de la Cnuced publiées en janvier 2008 ne sont fondées que sur des projections. Malgré l’avalanche d’annonces, chinoises en particulier, la zone n’attire que 1,2 % des IDE mondiaux et 4,3 % des IDE ciblant les pays en développement. Outre l’Afrique du Sud, les principales destinations d’investissements en 2007 ont été le Nigeria et l’Angola. Le Nigeria aura probablement reçu en 2007 autant d’IDE qu’en 2006, soit environ 5,4 milliards de dollars. Le cas angolais est différent : en 2006, le pays avait enregistré davantage de sorties d’investisseurs que d’entrées, en raison, notamment, de renégociations de plusieurs contrats pétroliers. 2007 devrait signer un retour de ce pays au premier plan. « Notre prévision est que l’Angola s’est comporté exceptionnellement bien, explique Hilary Nwokeabia, économiste à la Cnuced. Les investissements directs étrangers ont concerné le secteur pétrolier, mais aussi d’autres secteurs comme l’industrie manufacturière, la distribution et les télécommunications, avec des investisseurs très divers, du Brésil, de Chine, d’Afrique du Sud, du Portugal… » Derrière les trois pays dominants, auxquels on peut ajouter la Guinée équatoriale, plusieurs autres États subsahariens progressent nettement. Parmi eux, la Zambie. Ce pays d’Afrique australe qui a bénéficié d’une réduction de sa dette en 2006 attire de plus en plus d’investissements dans les mines, l’agriculture et, depuis peu, l’exploration pétrolière. Selon les calculs – très optimistes – du gouvernement, le pays aurait attiré 1,4 milliard de dollars d’IDE en 2007, six fois plus qu’en 2004. Décidément très confiantes, les autorités ont annoncé attendre 3 milliards d’investissements en 2008. Derrière ce boom spectaculaire : le nouvel intérêt des investisseurs, notamment chinois, pour les mines de cuivre et de cobalt du pays. La Tanzanie voisine connaît également une réelle embellie. Porté par le décollage de son secteur minier, le pays attire depuis plusieurs années entre 300 millions et 400 millions de dollars d’investissements par an, nettement plus que la plupart des autres pays d’Afrique de l’Est, dont le Kenya. Plus largement, l’Éthiopie, le Ghana et l’Ouganda ont, eux aussi, bénéficié d’investissements dans l’exploration pétrolière en 2007. Même la Somalie devrait surprendre…

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En Afrique, cependant, si les investissements dans les ressources naturelles expliquent la place prépondérante occupée par certains pays en tant que destinations d’IDE, ils ont toujours été inférieurs aux investissements dans les services, d’après la Cnuced. « Les services dominent, insiste Hilary Nwokeabia, en particulier avec les télécommunications et, désormais, les infrastructures, notamment électriques avec le projet d’Inga en RD Congo. » Ces deux secteurs ont été effectivement bien pourvus en 2007 : le Sénégal a concédé le terminal à conteneurs du port de Dakar à DP World, qui s’est engagé à y investir environ 500 millions d’euros au cours des prochaines années, et a cédé une troisième licence de téléphonie mobile à Sudatel pour 200 millions de dollars. Le Niger a attribué une licence globale fixe-mobile-Internet pour 49 millions d’euros à France Télécom, qui a aussi acquis Telkom Kenya pour 270 millions d’euros. En outre, 51 % de Gabon Télécom ont été bradés pour 61 millions d’euros en faveur de Maroc Télécom, lequel avait acheté l’Onatel du Burkina Faso pour 220 millions d’euros à la fin de 2006. En Tunisie, l’année aura été marquée par quelques investissements de poids. Certains n’étant encore que promesses, d’autres ayant pris une forme plus concrète. Dans la première catégorie figurent les investissements dans les mégaprojets immobiliers qui fleurissent dans le pays, tout comme en Algérie et au Maroc. Parmi eux, Tunis Sports City, un projet de 5 milliards de dollars développé depuis la fin 2007 par l’émirati Boukhatir, ou encore les immenses chantiers de Sama Dubai, dont la facture s’élève à 14 milliards de dollars. Parmi les investissements déjà réalisés, l’acquisition de 60 % de la Banque tuniso-koweïtienne, cédés par ses deux actionnaires étatiques, a été remarquée. L’acheteur, le groupe français Caisse d’épargne, a payé 170,6 millions d’euros – un prix record, nettement supérieur aux offres des concurrents et à la valeur réelle de l’établissement – pour prendre pied en Tunisie. Autres « grands » événements de l’année : l’attribution au turc TAV, pour 400 millions d’euros, de la construction et la gestion du nouvel aéroport d’Enfidha ainsi que de celui de Monastir, mais aussi de développements dans le ciment, les usines d’acide phosphorique et de gaz. Au final, toutefois, la Tunisie n’a pas atteint en 2007 le niveau d’IDE de 2006, largement dû à l’achat par Dubai Tecom, la branche télécoms des holdings d’investissement de Dubaï, de 35 % du capital de Tunisie Télécom pour 1,9 milliard d’euros. Le Maroc et l’Algérie, en revanche, ont de quoi être satisfaits. Le royaume a encore bénéficié d’investissements immobiliers massifs dans le cadre du développement des grandes zones touristiques, mais aussi pour l’aménagement des grandes agglomérations comme Rabat et Casablanca. D’autres secteurs ont en outre bénéficié de capitaux conséquents. En mai 2007, le français CMA-CGM a ainsi officiellement racheté la Compagnie marocaine de navigation (Comanav) pour 200 millions de dollars. Surtout, en septembre, Renault-Nissan a annoncé un investissement d’au moins 600 millions d’euros pour créer une usine près du port de Tanger : 200 000 voitures, dont des Logan, devraient y être produites dès 2010, et 400 000 à plus long terme. Enfin, la société Tamoil a annoncé son intention d’investir entre 100 millions et 150 millions de dollars dans la prospection pétrolière. Pays pétroliers et gaziers, la Libye et l’Algérie ont naturellement continué à recevoir des investissements massifs dans ces secteurs. Mais l’Algérie a manqué le coche en repoussant la privatisation du Crédit populaire d’Algérie (CPA), qui aurait pu lui rapporter près de 1 milliard de dollars, et en ajournant une nouvelle fois celle d’Algérie Télécom. La Libye, en revanche, est allée au terme de la cession de 19 % du capital de la Sahara Bank, cédée pour 145 millions d’euros au français BNP Paribas. Premier destinataire d’IDE sur le continent en 2006, l’Égypte confirme aisément sa place en 2007 et devrait s’y maintenir cette année. Principalement en raison de l’acquisition retentissante par le cimentier français Lafarge d’Orascom Cement, en décembre 2007, pour 8,8 milliards d’euros. Mais aussi grâce à plusieurs autres opérations de poids intervenues au cours de l’année écoulée, dont le rachat du manutentionnaire Egyptian Container Handling, par l’émirati DP World, pour 670 millions de dollars.

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