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Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 31 mars 2014
Lecture : 2 minutes.
Au Burkina, au Burundi, dans les deux Congos, au Rwanda, les trois années à venir s’annoncent décisives pour la démocratie, avec en filigrane l’incontournable débat sur la limitation des mandats présidentiels. Dans ces cinq pays, la Constitution en vigueur interdit aux chefs d’État actuels d’être candidats à leur propre succession. Mais nul ne doute que Blaise Compaoré, Pierre Nkurunziza, Joseph Kabila, Denis Sassou Nguesso et Paul Kagamé s’apprêtent à donner de nouveau rendez-vous à leur peuple, quelque part entre 2015 et 2017. Relayée par l’administration américaine – qui multiplie les messages en ce sens –, mais aussi par l’Union européenne, les ONG, les sociétés civiles locales et bien évidemment les opposants (tout au moins lorsqu’ils ne sont pas encore parvenus au pouvoir), l’argumentation du "touche pas à la limitation des mandats" est connue : c’est le seul moyen d’empêcher la dérive oligarchique de chefs d’État tentés par la présidence à perpétuité, le seul moyen aussi de favoriser la circulation des élites par le biais de l’alternance. Politiquement incorrects, donc peu écoutés et encore moins médiatisés, tant ils sont parasités par l’identité de ceux qui les énoncent (les chefs d’État concernés et leurs partisans), les arguments inverses méritent pourtant d’être entendus, ne serait-ce que pour la clarté du débat. Les voici.
1) Comme d’habitude, il y a deux poids deux mesures dès qu’il s’agit de l’Afrique. Les Européens ont réélu trois fois Helmut Kohl et Felipe González, et deux fois Margaret Thatcher. Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a gouverné pendant dix-neuf ans sans que cela ne gêne personne. La France, elle, n’a introduit la limitation des mandats présidentiels qu’en 2008. Était-elle pour autant une dictature ? Quant aux Constitutions, même les plus vieilles démocraties les amendent et les adaptent en permanence, mais ce n’est qu’en Afrique que l’on parle de "tripatouillage". Pourquoi ?
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2) Il n’y a pas de liberté d’élire sans liberté de réélire. La limitation des mandats est donc contraire au principe de la souveraineté populaire. L’alternance, si elle doit se produire, ne doit pas provenir d’une disposition constitutionnelle, mais de la décision des électeurs de "sortir le sortant". C’est ainsi qu’ont eu lieu les alternances béninoise, sénégalaise ou congolaise.
3) Limiter les mandats, c’est en effet s’attaquer aux symptômes du mal plutôt qu’à ses racines. Ce qui compte, c’est la transparence des élections et la capacité des oppositions à offrir une alternative crédible.
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4) Si l’on veut réellement éviter la captation du pouvoir par un clan, limiter le nombre de mandats ne sert à rien tant qu’on ne limite pas aussi le nombre de candidatures possibles pour un même individu, comme c’est la règle aux États-Unis (mais pas en France). Dans certaines présidences africaines, la tentation d’un scénario du type Poutine-Medvedev-Poutine est déjà sur toutes les lèvres. Or qui est prêt à aller jusque-là ?
Sur le plan de ce que l’on pourrait appeler la théorie démocratique, les arguments pour ou contre semblent donc s’équilibrer. Reste la pratique, et la nécessité que s’ouvrent dans les pays concernés de vrais débats sur ce thème, loin des pressions extérieures et des manipulations internes, en tenant compte des spécificités nationales. Il faut avoir confiance dans la capacité de discernement des peuples d’Afrique, laquelle n’est pas moindre que celle des autres.
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