Et maintenant, au travail !
Au terme de cinquante jours d’interminables tractations, le Dialogue national a désigné son champion. C’est à Mehdi Jomâa, ministre de l’Industrie sortant, qu’il reviendra de former et de conduire le nouveau gouvernement.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 2 janvier 2014 Lecture : 2 minutes.
Tout vient à point à qui sait attendre, dit-on. On avait fini par désespérer, mais, à trois jours seulement du troisième anniversaire du déclenchement de la révolution tunisienne, un nouveau Premier ministre a enfin été nommé. Il aura fallu sept semaines de pénibles tractations et quatre mois et demi de crise depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet, pour que les acteurs politiques du Dialogue national, lancé le 25 octobre par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’organisation patronale Utica, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et l’Ordre des avocats, finissent par mettre de côté leurs querelles partisanes et leurs appétits de pouvoir pour s’entendre. On s’attendait à tout sauf au nom qui est finalement sorti du chapeau : Mehdi Jomâa, le ministre de l’Industrie du gouvernement sortant. Car jusqu’ici, la liste des prétendants sentait plutôt la naphtaline : la plupart des noms avancés imposaient en effet aux plus jeunes de consulter leurs livres d’histoire. Après la valse des octogénaires, c’est donc un homme de 51 ans, discret et peu connu, ingénieur de formation et diplômé en mécanique, qui a été choisi. Puissent ses compétences être mises à profit pour dégripper les rouages d’une transition qui n’en finit plus… Ce parent de Mohamed Masmoudi (militant nationaliste, membre de la délégation tunisienne lors de la cérémonie qui mit fin au protectorat français et ministre de Bourguiba) sait que sa tâche – rétablir la sécurité, relancer l’économie et organiser des élections sereines et transparentes – ne sera pas de tout repos. D’abord parce qu’il n’est pas le fruit d’un choix unanime, ensuite parce qu’il est suspecté d’être un sous-marin des islamistes d’Ennahdha. Ce qui est inexact. Mais, depuis la chute de Ben Ali, rumeurs et intox tiennent souvent lieu d’informations. Jomâa ne soulève guère pour l’instant l’enthousiasme, mais ceux qui le connaissent ou qui ont travaillé avec lui assurent qu’il est compétent, travailleur et intègre. Un oiseau rare au sein du panier de crabes tunisien.
Il n’y avait de toute façon pas d’autre choix ; c’était lui ou l’échec. Ceux qui le critiquent déjà parce qu’il a été adoubé par Ennahdha oublient un peu vite que c’est le parti de Ghannouchi, au pouvoir, qui a fait les plus grandes concessions en acceptant d’abandonner le gouvernement. Il ne pouvait tout de même pas laisser nommer un irréductible adversaire ou quelqu’un en qui il n’aurait guère eu confiance ! Laissons Mehdi Jomâa former son équipe et détailler sa feuille de route avant de songer, déjà, à lui mettre des bâtons dans les roues.
Ainsi va la Tunisie depuis le 14 janvier 2011 : tous les acteurs politiques sont à peu près d’accord pour bâtir une démocratie, mais dès qu’il s’agit de définir les étapes du processus ou d’identifier ceux qui devront le mener à son terme, les intérêts particuliers l’emportent sur l’intérêt général. Les Tunisiens donnent ainsi l’impression de toujours marcher sur un fil au-dessus d’un précipice. Mais à chaque crise, et elles furent nombreuses, alors qu’on pense que la chute est inéluctable, on assiste à un sursaut, un rétablissement in extremis. Une sarabande lassante, mais, après tout, c’est à la fin du bal que l’on paie les musiciens…
>> Lire aussi : les belles intentions du futur Premier ministre Mehdi Jomâa
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