Cameroun : plus que Senghor, Ahidjo a semé le doute

À la différence de la démission de Léopold Sédar Senghor au Sénégal, celle d’Ahmadou Ahidjo au Cameroun a suscité l’inquiétude dans plusieurs palais présidentiels en Afrique. À l’occasion de la commémoration du 25e anniversaire de la mort de l’ex-président camerounais, « Jeune Afrique » réédite un article paru dans son numéro double 1147/48 du 29 décembre 1982.

Ahmadou Ahidjo, le 3 janvier 1960. © AFP

Ahmadou Ahidjo, le 3 janvier 1960. © AFP

Publié le 28 novembre 2013 Lecture : 2 minutes.

La démission de Léopold Sédar Senghor, le 31 décembre 1980, a soulevé une vague d’admiration pour le courage dont elle témoignait. Elle a suscité aussi la réprobation à peine voilée de certains de ses pairs africains peu ouverts à cette forme de démocratie. Mais, bref, Senghor, c’est Senghor. Pour beaucoup, "un Blanc à la peau noire".

Et voilà qu’Ahidjo abandonne à son tour, le 4 novembre 1982. Cette fois, l’inquiétude a soufflé sur plusieurs palais présidentiels occupés depuis quelques décennies. D’autant qu’Ahmadou Ahidjo ne passe pas pour être très attaché aux vieilles règles de la démocratie à l’occidentale. Du coup, les regards se sont portés vers Habib Bourguiba (79 ans) et Félix Houphouët-Boigny (77 ans). Bien qu’il n’y ait pas d’âge légal pour la retraite des chefs d’État. Certains n’hésitent pas à commenter entre haut et bas : "Qu’attendent-ils ?"

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Mêmes regards, peut-être un peu moins appuyés, vers Ahmed Sékou Touré et Julius Nyerere, plus jeunes, mais eux-aussi au pouvoir depuis les indépendances. Sans doute laisseront-ils, à leur départ (ou à leur mort), un héritage fort lourd et des pays qui n’ont jamais décollé. Ce n’est pas le cas du Sénégal ni du Cameroun, l’un au moins pour l’économie, l’autre pour la démocratie. De ce point de vue, Bourguiba et Houphouël peuvent également envisager des retraites respectables et des bilans positifs. D’où le doute et le virus semés par l’éclat d’Ahidjo.

Quelques comparaisons

L’Afrique n’étant pas une île, quelques comparaisons sont permises. Depuis qu’ils sont au pouvoir, Bourguiba et Houphouët ont vu défiler aux États-Unis les présidents Eisenhower, Kennedy. Johnson, Nixon, Ford, Carter et Reagan ! Sortant du moule francophone, ils ont eu comme partenaires et collègues français Coty, De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand. Même pour les systèmes moins démocratiques, ils ont vu, malgré les dix-huit ans de règne de Brejnev, au moins son prédécesseur et son successeur.

À contrario, en Angleterre, qui passe pour le berceau de la démocratie, Elisabeth Il est sur le trône depuis 1952. On parle bien de temps en temps, discrètement, de son abdication. Mais la tentation est forte de suivre cet exemple de longévité pour nos monarchies présidentielles où le pouvoir n’est généralement lâché qu’à l’occasion des décès ou des coups d’État.

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Bourguiba et Houphouët partiront-ils ? En tout cas, ils ne peuvent même pas aspirer à battre les records enregistrés actuellement dans le monde. Kim II-Sung règne en effet sur la Corée du Nord depuis 1947 et Enver Hodja, en Albanie, depuis 1946.

La dernière élection de Kim II-Sung s’est faite – qui peut parler d’usure? – à 100 % des 100 % de votants. Par contre, en Albanie, au mois de novembre 1982, on a dénombré un opposant sur le million et demi de votants. Les mauvaises langues disent que ce dangereux contestataire n’est autre qu’Enver Hodja lui-même, puisqu’il est le seul à ne pas être soumis à un contrôle rigoureux.

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Là non plus, en Afrique malgré quelque 99,99% on ne bat pas ces mirifiques records. Et pour certains il vaut mieux passer la main.

>> Retrouvez ici tous les articles du dossier "Ahmadou Ahidjo, 25 ans d’exil funéraire"

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