Rififi à Conakry : qui est Beny Steinmetz ?

Rien ne va plus entre le milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz et le président guinéen Alpha Condé. Accusé par ce dernier d’avoir acquis frauduleusement des permis miniers au mont Simandou, le magnat du diamant est décidé à se battre jusqu’au bout. Portrait d’un businessman tout puissant.

Des diamants. © DR

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Publié le 14 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

Guinée : rififi à Conakry
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Officiellement, il n’en est que le conseiller, mais le vrai patron du Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), c’est lui : Beny Steinmetz, 57 ans. Mince, éternellement bronzé, détenteur de la double nationalité israélienne et française, Steinmetz est un businessman au sang froid. Celui qui est aujourd’hui la première fortune d’Israël (4,1 milliards de dollars en mars 2013, selon le magazine américain Forbes, soit environ 3 milliards d’euros) est né avec un diamant dans la bouche. Son père, Rubin, Juif polonais et tailleur de diamants, a émigré en Palestine en 1936, où il s’est installé à Netanya et est devenu l’un des pionniers du secteur en Israël.

En 1977, Beny s’installe à Anvers, en Belgique, pour y apprendre le métier. Doué, il vole rapidement de ses propres ailes et transforme la société familiale en un groupe qui revendique aujourd’hui six mille employés dans une douzaine de pays, de l’Afrique australe aux Balkans en passant par l’Inde, le Liberia et la Sierra Leone.

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S’il lui arrive parfois de perdre de l’argent, comme en Russie à la fin des années 1990, en Tanzanie ou en Zambie, il rebondit très vite, avec un goût prononcé pour le risque et le secret. Insaisissable, il ne se déplace qu’en jet privé entre ses propriétés de Tel-Aviv, Arsuf (non loin de Netanya), Genève, Londres et son yacht ancré au large de la Côte d’Azur. Discret sur sa vie privée, ce père de quatre enfants marié à une rencontre d’adolescence ne sacrifie qu’avec réticence aux obligations mondaines. Sur son site internet, il met en avant ses photos avec des personnalités plus présentables et moins bling-bling que celles qui fréquentent d’ordinaire l’univers clinquant du diamant. On le voit avec le Prix Nobel Elie Wiesel, en conversation avec l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki, avec le prince Albert de Monaco et, bien sûr, avec ce must qu’est Nelson Mandela.

Le gratin s’était déplacé pour la remise de son diplôme honoris causa au palais du Luxembourg.

Des amis bien choisis

Beaucoup plus soucieux de son image qu’il ne le prétend – "Les médias ne m’intéressent pas, je ne m’occupe pas de l’opinion des gens", assurait-il récemment à un journal israélien –, le milliardaire communique volontiers sur ses activités charitables et culturelles. Steinmetz est également le principal bailleur de fonds du Collège académique de Netanya, dans sa ville natale, un établissement très largement francophone qui lui a décerné en mars 2012, lors d’une cérémonie tenue au palais du Luxembourg, à Paris, un diplôme honoris causa. Les invités et les intervenants étaient ce jour-là significatifs du positionnement politique français de Beny Steinmetz, avec en présidente de séance Valérie Hoffenberg, membre du bureau politique de l’UMP, à l’époque candidate à l’élection législative partielle dans la 8e circonscription des Français de l’étranger (qui comprend Israël) et en invités d’honneur le député UMP Jean-François Copé, le ministre de l’Éducation Luc Chatel et le député Claude Goasguen, pilier du soutien militant à la droite israélienne. Dans ce contexte, l’insistante rumeur selon laquelle Beny Steinmetz aurait pris en charge le déplacement de Nicolas Sarkozy en Israël, les 22 et 23 mai 2013, afin de soutenir la candidature de Valérie Hoffenberg (laquelle sera finalement battue par Meyer Habib, un proche de Jean-Louis Borloo), n’a surpris personne. Les amis de Steinmetz, qu’il lui arrive de recruter comme lobbyistes pour le compte de son groupe, sont pour la plupart de ce bord-là.

Mais la personnalité qui connaît le mieux Steinmetz est sans doute l’ancien Premier ministre israélien Ehoud Olmert. Les deux hommes sont très liés, au point que, si l’on en croit le quotidien Haaretz, le premier aurait embarqué le second dans son avion lors de l’une de ses visites en Guinée, en 2009, afin de le présenter au chef de la junte de l’époque, l’erratique capitaine Dadis Camara. Le vivier politique, militaire et sécuritaire israélien est, on le sait, fertile en hauts fonctionnaires de l’État reconvertis en agents d’influence pour des sociétés privées. Steinmetz, comme les autres, y a donc volontiers recours. L’un de ses principaux collaborateurs, Asher Avidan, que l’on retrouvera à la tête de BSGR Guinée, est ainsi un ex-cadre du ministère israélien des Affaires étrangères puis de celui de la Défense et un ancien du Shin Bet, le service de sécurité intérieure de l’État hébreu. Habile à dénicher, puis à embaucher the right man at the right place, Steinmetz a acquis dans le milieu une réputation de tycoon particulièrement tenace. "C’est le dernier type que vous voudriez avoir comme ennemi", confie Ehoud Olmert au journaliste Patrick Radden Keefe, dont l’enquête sur l’affaire du gisement de Simandou a été publiée en juillet 2013 par le New Yorker. À Conakry, Alpha Condé ne va pas tarder à s’en apercevoir.

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