Internet en Afrique de l’Ouest : la fracture numérique en voie de guérison

L’arrivée de deux nouveaux câbles sous-marins va marquer une étape importante dans le développement du web en Afrique de l’Ouest. Mais tous les obstacles à sa démocratisation sont loin d’être levés.

Le câble sous-marin ACE installé au Gabon le 27 octobre 2011. © AFP

Le câble sous-marin ACE installé au Gabon le 27 octobre 2011. © AFP

Julien_Clemencot

Publié le 3 février 2012 Lecture : 3 minutes.

À première vue, la fracture numérique qui handicape les pays ouest-africains est loin d’être réduite. Internet y est toujours cher, voire très cher. L’abonnement mensuel haut débit (1 mégaoctet) est facturé aux particuliers 114 euros au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, environ 130 euros au Bénin et plus de 150 euros au Cameroun. Seul le Sénégal, avec des baisses de prix de 10 % à 15 % ces dernières années, se rapproche un tant soit peu des tarifs pratiqués au Maghreb. La connexion de 1 Mo y coûte 38 euros, quand elle en vaut 18 en Tunisie et seulement 9 au Maroc.

Pourtant, 2012 devrait être une année charnière au sud du Sahara. C’est du fond des mers qu’arrivera la félicité technologique. Deux nouveaux câbles sous-marins, West Africa Cable System (Wacs, détenu majoritairement par l’opérateur sud-africain MTN) et Africa Coast to Europe (ACE, dont le consortium est mené par France Télécom) raccorderont en effet d’ici à quelques mois la majorité des États bordant l’océan Atlantique. Des investissements gigantesques – 700 millions de dollars (soit 550 millions d’euros) pour ACE et plus de 600 millions pour Wacs – qui permettront de multiplier la bande passante disponible, c’est-à-dire la possibilité d’échanger des informations avec le réseau mondial.

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Concurrence

Plus que le surcroît de capacité, c’est l’apparition pour la première fois d’une compétition, même réduite, entre fournisseurs de bande passante qui va entraîner une baisse des prix. Ainsi, au Nigeria, où quatre câbles – Glo-1, Main One, SAT-3, Wacs – coexistent, un débit de 155 Mo/seconde (un volume étalon pour les fournisseurs d’accès) est vendu 15 000 euros par mois, contre 70 000 euros au Bénin. « Dans l’immédiat, les tarifs des abonnements ne refléteront pas complètement la baisse de ceux de la bande passante, car personne ne veut voir son chiffre d’affaires s’effondrer. Ce sont plutôt les débits offerts qui devraient augmenter », estime Olivier Leloustre, patron de Ringo, leader du marché camerounais.

Mais si certains pays, comme le Nigeria, bénéficient de la lutte entre plusieurs acteurs, tous n’auront pas cette chance. Wacs ne desservira par exemple en Afrique de l’Ouest que les principaux marchés de MTN (Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigeria), limitant la concurrence dans les autres États. Et la multiplication des câbles ne veut pas dire multiplication des opérateurs. Actionnaire d’ACE, France Télécom est également impliqué dans SAT-3 ; dans les pays raccordés à ces deux seuls câbles, le groupe conservera donc la mainmise sur l’accès à internet.

La situation ne s’améliore guère sur la terre ferme. Au Cameroun et au Bénin, les opérateurs historiques ont maintenu un monopole de fait sur l’accès aux câbles et la pose de réseaux en fibre optique. Pas étonnant que ces pays pratiquent les tarifs les plus élevés d’Afrique de l’Ouest. Certains groupes privés profitent aussi de positions dominantes parce qu’ils possèdent un important réseau terrestre desservant les régions enclavées. « Le prix de la bande passante peut être multiplié par jusqu’à 10 quand elle est revendue à un concurrent », signale un expert. Pour contourner cette difficulté, le groupe Maroc Télécom s’est lancé dans la construction d’une boucle en fibre optique traversant le Sahara vers la Mauritanie, puis rejoignant le Mali et le Burkina Faso, des pays où il est actif et qui sont jusqu’à présent desservis par France Télécom via Sonatel ou Côte d’Ivoire Télécom.

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Points d’échange

Consciente des difficultés du marché à se réguler, l’Union africaine (UA) plaide, comme la Banque mondiale, pour la réalisation de réseaux à haut débit offrant un accès économiquement équitable aux différents opérateurs. L’UA pourrait même aller plus loin en imposant, à terme, une régulation des prix de vente de la bande passante. C’est en tout cas la philosophie défendue par le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (Pida), porté conjointement avec la Banque africaine de développement (BAD) et qui doit être voté fin janvier lors du 18e sommet de l’UA.

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À court terme, les internautes se réjouiront aussi de la multiplication des points d’échange (dits IXP) entre les réseaux des différents fournisseurs d’accès, comme ce sera bientôt le cas au Cameroun et au Bénin. Des liaisons qui évitent qu’un e-mail envoyé de Douala vers Yaoundé ne passe par Paris parce que les deux correspondants ne sont pas clients de la même compagnie. Et qui permettent de charger plus rapidement des contenus qui ont déjà été consultés localement. Car, on peut le déplorer, l’immense majorité des sites visités par les Africains est encore hébergée hors du continent.

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