Israël : deux candidats inattendus à la Knesset
Forts de leur très grande popularité, un journaliste, Yaïr Lapid, et le père de Gilad Shalit ont annoncé leur intention de se présenter aux législatives de 2013. Au grand dam d’une partie de la classe politique israëlienne.
Il est élégant, dégage beaucoup d’assurance et a un faux air de George Clooney. Ses talents d’écriture lui ont permis de publier une dizaine de romans, sans parler de sa chronique hebdomadaire dans le Yediot Aharonot, premier quotidien du pays, qu’il alimente depuis 1991. Yaïr Lapid, mi-intello, mi-séducteur, aurait tout du gendre idéal, même à 48 ans. Ces dernières années, sur la deuxième chaîne israélienne, il a battu des records d’audience dans Ulpan Shishi, la grande émission prime time du vendredi. Sauf que ce brillant journaliste, l’un des mieux payés d’Israël, est aussi un homme engagé. Le 9 janvier, il s’est enfin décidé à abandonner son costume d’animateur pour entrer en politique et se présenter aux législatives de 2013. Depuis des mois, la rumeur s’amplifiait, au point que les baromètres d’opinion, témoins de sa popularité, le créditaient avant l’heure de 15 à 20 sièges à la Knesset.
L’annonce de cette candidature suscite quelques espoirs au centre de l’échiquier politique, là où devrait se positionner l’ancien journaliste. « La seule façon d’écarter Netanyahou du pouvoir, c’est que Kadima et le [futur] parti de Lapid dirigent ensemble le pays », a déclaré l’ancien ministre de la Justice Haïm Ramon. Une alliance objective à laquelle ne s’opposerait pas Tzipi Livni, chef du parti centriste, désormais plus soucieuse de conserver son électorat que d’opposer une alternative au bloc constitué par la droite nationaliste. « D’autres personnalités devraient en faire de même pour apporter un changement », a-t-elle lancé en guise d’appel du pied au futur candidat. Mais Lapid rêve plutôt d’une grande formation laïque, résolu à suivre les traces de son père, Tomy, un ultralibéral dont le parti, le Shinouï, ambitionnait jadis de réduire l’influence des religieux dans la sphère sociale. « Tel père, tel fils », clament les ultraorthodoxes, qui voient en Lapid leur nouvel épouvantail.
Membre du Parti travailliste depuis 1996, Noam Shalit, à l’inverse, doit plutôt sa célébrité à son fils Gilad, détenu pendant plus de cinq ans par les islamistes du Hamas à Gaza, et récemment libéré en échange de 1 027 détenus palestiniens. Le père du jeune soldat a annoncé son entrée en campagne pour les législatives de 2013 dans la foulée de Lapid, lui volant littéralement la vedette. Ces dernières années, le combat qu’il a mené pour la libération de son fils a forcé l’admiration et le respect de ses compatriotes, lesquels se sont soudés autour de lui. « J’ai appris à connaître profondément la société israélienne et ses valeurs, j’aspire maintenant à lui rendre la pareille », clame-t-il. Pour y parvenir, Shalit se présentera sous la bannière travailliste. Une nouvelle qui ravit Shelly Yachimovich, chef du parti, en quête de figures à même de redresser l’image des travaillistes, sur le déclin depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin. Sauf qu’ailleurs la candidature de ce kibboutznik suscite la controverse. « C’est une exploitation du soutien populaire apporté à la famille Shalit, s’indigne le député Yoel Hasson, du parti Kadima. La traduction politique de ce soutien arrive trop tôt, est trop confuse, cynique et déplacée. »
Noam Shalit, qui s’est engagé à ne pas instrumentaliser son fils pendant la campagne, pâtit aussi de son manque de charisme. Évidemment, la comparaison avec Lapid amuse les Israéliens, lesquels ont déjà affublé le duo de deux sobriquets : « l’introverti » et « le fanfaron ». Autre élément à charge : aucun des deux candidats ne semble avoir de réelle plateforme politique. Dans les colonnes de Haaretz, Yossi Verter écrit : « Quiconque voit en Yaïr Lapid le grand espoir de la gauche israélienne se trompe. Tout comme Noam Shalit ne sera pas le sauveur du Parti travailliste. Ils ne vont apporter que la division et garantiront un nouveau mandat à Benyamin Netanyahou. »
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