États-Unis : Obama candidat par gros temps

L’apparition d’un chômage de masse assombrit les perspectives de réélection du président sortant. Même si Barack Obama l’emporte encore nettement dans les sondages sur tous ses adversaires républicains.

Barack Obama, candidat à sa réélection. © AFP

Barack Obama, candidat à sa réélection. © AFP

Publié le 2 janvier 2012 Lecture : 6 minutes.

2012 : année de tous les dangers pour les chefs planétaire
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2012 : année de tous les dangers pour les chefs planétaire

Sommaire

C’était le 30 novembre, à New York. Une centaine de fidèles du mouvement Occupy Wall Street, démantelé quinze jours plus tôt, tentent un baroud d’honneur en occupant Times Square quelques heures durant. Leur cible ? Barack Obama, qui présidait à l’hôtel Sheraton tout proche un dîner de collecte de fonds pour la présidentielle de 2012. Un gouffre sépare désormais le premier président africain-américain et ceux qui, en 2008, ont contribué à le faire roi : les jeunes et les minorités.

Ni la crise économique ni l’opposition féroce des républicains ne suffisent à expliquer cette désaffection. La vérité est qu’en raison, sans doute, de sa nature trop portée à la conciliation Obama n’a pas tenu ses promesses de changement. Avec 43 % d’opinions positives, sa cote de popularité n’a jamais été si basse. Dans un pays hanté par le pressentiment de son déclin, Obama suivra-t-il le chemin d’un Jimmy Carter ou d’un George H. W. Bush, battus sans appel à l’issue de leur premier mandat ? La partie est encore loin d’être jouée. Quel que soit son adversaire républicain – Newt Gingrich, Mitt Romney ou un autre –, la lutte sera âpre. Le président sortant, en bon golfeur qu’il est, part avec un handicap. Mais il dispose aussi de sérieux atouts.

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LES PLUS

1.    SA « DREAMTEAM » ÉLECTORALE

QG flambant neuf à Chicago, équipes en place dans trente-huit États, mobilisation sans précédent via les réseaux sociaux… La machine de campagne d’Obama tourne déjà à plein régime. Aux manettes, on retrouve Jim Messina, David Plouffe et David Axelrod, les hommes qui, en 2008, avaient mené une campagne en tout point exemplaire. Feront-ils de nouveau des miracles l’an prochain ? Autre avantage de taille : le trésor de guerre d’Obama, dont le montant devrait avoisiner 1 milliard de dollars. Ce sera sans doute la campagne la plus chère de toute l’histoire électorale américaine. Et ça vaut bien quelques huées devant le Sheraton…

2. SA DÉFENSE DES CLASSES MOYENNES

Obama surfe également sur la vague déclenchée par le mouvement Occupy Wall Street, en dépit de son absence de revendications concrètes. Les Américains prennent peu à peu conscience de l’ampleur des inégalités dans leur pays.  En dix ans, les plus riches d’entre eux – le fameux 1 % de la population – ont vu leur revenu doubler, tandis que celui des autres baissait de 10 %. Réduction des cotisations salariales, allongement des allocations chômage, réduction du déficit budgétaire par l’augmentation des impôts des plus riches… Obama s’érige en super défenseur des classes moyennes. En déplacement début décembre dans le Kansas, au cœur de l’Amérique conservatrice, il a pris pour cible la « cupidité écœurante » des nantis. Du Occupy Wall Street dans le texte, quand les républicains s’obstinent à défendre le laisser-faire économique. Au Congrès, ils refusent pour l’instant de reconduire la ristourne sur les cotisations salariales, parce que les démocrates prévoient de financer cette mesure par une taxe frappant ceux dont les revenus dépassent 1 million de dollars par an. Et tant pis si cette mesure est censée créer entre 600 000 et 1 million d’emplois…

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3. SA RÉSISTANCE À LA CRISE

Face à la pire récession depuis plus d’un demi-siècle, Obama a des arguments à faire valoir. En 2009, son « paquet » de relance de 787 milliards de dollars a empêché l’économie mondiale de plonger plus profondément. Il a aussi sauvé de la banqueroute l’industrie automobile américaine et mené à bien la réforme de l’assurance maladie – en attendant que la Cour suprême statue sur sa constitutionnalité.

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4. LA FAIBLESSE DES RÉPUBLICAINS

Mais le principal atout d’Obama reste la faiblesse de son futur adversaire républicain. L’un après l’autre, les favoris pour l’investiture déçoivent : du bug consternant de Rick Perry, incapable de se souvenir pendant cinquante-sept secondes, en direct à la télé, du ministère qu’il prétendait vouloir démanteler, aux frasques sexuelles de Herman Cain. Bref, le Grand Old Party (GOP) se cherche un sauveur. Aux dernières nouvelles, le costume a été endossé par le peu sympathique Newt Gingrich, l’ancien speaker de la Chambre des représentants, qui, malgré diverses casseroles qu’il traîne derrière lui – il a la manie de divorcer et de se remarier avec sa maîtresse du moment – et ses déclarations à l’emporte-pièce, caracole en tête des intentions de vote. Alors que l’ancien gouverneur Mitt Romney, le plus dangereux pour Obama car le plus à même de rallier les voix du centre, stagne depuis plusieurs mois. Le Tea Party, qui détient la clé de plusieurs primaires, notamment celle de l’Iowa, le 3 janvier, le juge pas assez conservateur. Un troisième homme peut-il émerger pendant les primaires ? Et pourquoi pas Ron Paul, le représentant du Texas au Congrès ? Pour le GOP, ce serait une très bonne nouvelle. Car, si l’élection avait lieu aujourd’hui, un récent sondage révèle qu’Obama battrait Romney de 8 points et Gingrich de 13 points.

LES MOINS

1. LE CHÔMAGE DE MASSE

Et si en 2012 les Américains se rappelaient avant tout que c’est sous la présidence d’Obama que leur pays a découvert le chômage de masse ? Le taux des salariés privés d’emploi est en effet passé de 7,3 % en janvier 2009 à 8,6 % aujourd’hui, avec un pic à 10,1 % en 2010. C’est le talon d’Achille de sa présidence. Depuis les années 1930, aucun président n’a été réélu avec un taux de chômage si élevé. Tablant sur 8,5% en 2012, la Maison Blanche croise donc les doigts pour que sa stratégie de défense des classes moyennes porte ses fruits.

2. SES ÉCHECS FACE AU CONGRÈS

Souvent accusé par ses adversaires d’être un président « faible », « distant » ou « trop cérébral », Obama a échoué à réconcilier l’Amérique bleue (démocrate) et l’Amérique rouge (républicaine), comme il s’y était engagé. Au Congrès, où l’ambiance n’a jamais été si délétère, il s’est fait tailler des croupières par l’opposition républicaine. Et il a perdu la guerre budgétaire déclenchée par le GOP après le triomphe de ce dernier aux législatives de novembre 2010.Contraint de reconduire les exemptions d’impôt décidées par George W.Bush en faveur des Américains les plus aisés, il a dû capituler en rase campagne, en août dernier, devant la menace agitée par les républicains d’un défaut de remboursement de la dette. Sa cote de popularité avait alors plongé en dessous des 40% d’opinions favorables. Les démocrates font le pari – risqué – que les républicains paieront en 2012 le prix de leur intransigeance idéologique. Deux tiers des Américains les rendent en effet responsables des blocages à Washington.

3. LA DÉMOBILISATION DE SON ÉLECTORAT

C’est la grande inconnue du prochain scrutin : quel sera le taux de participation des couches qui avaient voté pour Obama en 2008, en particulier les jeunes (participation record de 66 %) et les minorités ? Les volontaires, dont le rôle dans la campagne de 2008 avait été essentiel, sont aujourd’hui beaucoup moins nombreux…

4. L’INCONNUE DE LA CROISSANCE

Soixante-quinze pour cent des Américains estimant que leur pays va dans la mauvaise direction, les perspectives de réélection du sortant pourraient paraître sombres. Un analyste du New York Times estimait récemment que face à Romney, candidat moins marqué à droite que Gingrich, et avec une croissance économique de 0% en 2012, Obama n’avait que 17 % de chances de l’emporter. Le pourcentage remontait à 60% avec une croissance de 4 %. Or elle devrait être de 2,3 % en 2012… Pour Obama, qui se compare volontiers à un capitaine contraint de naviguer par gros temps, c’est donc du 50-50.

Désamour ou retour de flamme

ENTRE OBAMA ET LES MINORITÉS, tout avait pourtant bien commencé. Le 4 novembre 2008, 95 % des Africains Américains, 67 % des Latinos, 63 % des Asiatiques et 78 % des Juifs avaient voté pour lui. Les premiers à déchanter ont été les Latinos : nombre record d’expulsions (450000 par an depuis 2009), projet de réforme de l’immigration dans les limbes… Conscient que cet électorat sera crucial en 2012, notamment dans des États comme le Nevada ou le Colorado, où la population latino a explosé, le président sortant a récemment « humanisé » sa politique à leur égard. En décidant de surseoir aux expulsions des sans-papiers ayant des attaches familiales dans le pays, il espère un retour de flamme. De même, les électeurs juifs ne seraient plus que 54 % à approuver son action. Mais son soutien à Israël et son rejet de la récente demande d’adhésion de la Palestine aux Nations unies devraient lui valoir un regain d’affection. La communauté noire, quant à elle, malgré un léger décrochage (de 90 % à 80 % d’opinions favorables) continue de regarder Obama avec les yeux de Chimène. J.-É.B.

JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York
 

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