Les « sorcières » du Malawi ne sont pas au bout de leur peine
La chasse aux sorcières n’est pas près de s’arrêter au Malawi. Alors que le pays s’est doté en 1911 d’une loi interdisant les accusations de sorcellerie, la justice envoie toujours en prison de vieilles femmes soupçonnées de magie noire, lorsqu’elles ne sont pas tuées par leurs proches. Une loi pourrait même bientôt agraver la situation.
Lilongwe, capitale du Malawi, mardi 7 juin. Kanthukako Supaunyolo, une grand-mère de 82 ans est arrêtée et jetée en prison. Son crime ? Il n’y en a pas. Ses propres enfants l’ont simplement accusée de sorcellerie : un sort aurait été jeté l’un de ses petits-fils, pris un jour d’un saignement de nez au réveil. Condamnée à payer une amende de 33 dollars, comme deux de ses amies également mises en cause, elle est finalement libérée grâce au soutien financier de l’Association for Secular Humanism (ASH), une organisation de défense des droits de l’homme fondée en 2010 pour venir en aide aux personnes accusées de sorcellerie, principalement des femmes âgées.
Car le cas de cette Malawite n’est pas unique. « Ces derniers temps, les arrestations et les condamnations de gens accusés de sorcellerie se sont multipliées, observe George Thindwa, directeur de l’ASH. Le 31 mai, selon le quotidien malawite The Maravi Post, la plus vieille des femmes accusées de sorcellerie au Malawi a été libérée, après trois ans passés en prison. Elle avait été rendue coupable de la mort d’un enfant par magie noire.
Actuellement, quelques 50 sorciers supposés croupissent encore dans les prisons du Malawi, dont deux femmes de plus de 75 ans. «Elles sont malades, âgées et ont besoin de soins médicaux de toute urgence», alerte George Thindwa. Pour lui, il faut aboutir à la libération de toutes ces femmes, car elles « sont 100% innocentes. »
Eviter les règlements de compte
De fait, les accusations de sorcellerie ne manquent pas d’étonner les juristes : au Malawi, il existe une loi datant de 1911 qui interdit d’accuser quelqu’un de sorcellerie, ou de se prétendre sorcier. Kanthukako Supaunyolo, la grand-mère condamnée, peut donc s’insurger sans risque d’être conterdite : « La police est trop zélée et arrête des personnes innocentes qu’elle accuse de sorcellerie, ce qui ne peut être prouvé devant un tribunal ! »
De leur côté, la justice et les forces de l’ordre justifient d’une manière assez subjective ces arrestations. La première motive ses condamnations par « l’atteinte à l’ordre public », tandis que les secondes assurent agir dans l’intérêt des personnes accusées de sorcellerie. Il s’agirait de les protéger de la vindicte populaire et d’éviter les règlements de compte ou les lynchages.
Au Malawi, les présumés sorciers servent souvent de bouc-émissaires : ce que la population n’arrive pas à expliquer ou à endiguer – des décès ou des maladies inexpliquées, dues par exemple au sida -, elle le met sur le compte de la magie noire.
Une vingtaine de "sorcières" tuées chaque année
D’après Davie Chingwalu, porte-parole de la police à Lilongwe, face à des faits incompréhensibles, de nombreuses personnes se font justice elles-mêmes et tuent de présumées sorcières. Une vingtaine de personnes ainsi suspectées sont tuées chaque année dans le pays, le plus souvent battues à mort, affirme-t-il.
Récemment, le directeur de l’ASH, avec l’aide de la police, a dû mettre fin à une véritable chasse aux sorcières, organisée dans un village à 15 km de la capitale, rapportait The Maravi Post, le 1er juin dernier. Selon le journal, dix personnes soupçonnées de sorcellerie ont ensuite été libérées, et huit personnes ont été arrêtées parmi ceux qui ont engagé la traque.
Cependant, si la police semble s’associer de plus en plus au combat de l’ASH, des juristes du pays, réunis en comité, réfléchissent de leur côté à une modification de loi de 1911. Au lieu de la faire mieux appliquer, la sorcellerie pourrait devenir, à terme, criminalisée. Les prisons seraient alors de plus en plus engorgée de présumés sorciers. Et la population serait ainsi confortée dans des croyances qu’on pourrait croire d’un autre âge…
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