WikiLeaks fait tomber un sénateur
En Mauritanie, Youssouf Sylla est probablement le plus embarrassé par WikiLeaks. Un télégramme du 29 avril 2009 rapporte un entretien entre ce sénateur mauritanien, aujourd’hui membre de la majorité présidentielle, et l’assistant politique de l’ambassade américaine à Nouakchott.
Publié le 17 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.
Afrique : la bombe WikiLeaks
« Nous avons besoin du soutien d’Israël pour obtenir des armes », déclare le sénateur mauritanien Youssouf Sylla aux Américains. Son projet ? « Stopper Aziz », annonce-t-il avant de se faire plus explicite : « L’arrêter ou le liquider. »
Finalement élu chef de l’État en juillet 2009, « Aziz » se prépare à l’époque pour le scrutin présidentiel après avoir orchestré un putsch en août 2008. Youssouf Sylla, lui, milite pour le retour au pouvoir du président renversé, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Dans la suite du télégramme, il livre le détail de ses besoins logistiques : « Quatre ou cinq voitures, des AK-47 et des pistolets. » Les projets de Youssouf Sylla laisseront son interlocuteur « sceptique ». « Nous avons suffisamment rencontré Sylla pour établir qu’il n’est plus nécessaire de le rencontrer », conclut-il.
Après la diffusion du télégramme par WikiLeaks, le sénateur a réagi dans un communiqué le 6 décembre. Il s’est dit « surpris par les informations diffusées […] selon lesquelles il existerait une relation […] entre [lui] et l’État d’Israël et une tentative d’assassinat », et a appelé « tous les acteurs politiques mauritaniens, et à leur tête le président Aziz, à la vigilance et à éviter tout complot à l’intérieur ou à l’extérieur qui tentera de créer un climat de tensions et de blocages ».
Le télégramme anime les discussions à Nouakchott. Une députée de la majorité présidentielle se dit « choquée » par les intentions du sénateur. La présidence, de son côté, n’a pas réagi. « Youssouf Sylla est fini », confie un observateur avisé.
À Nouakchott, WikiLeaks a fait une deuxième victime collatérale : Mohamed Ould Maouloud, chef de l’Union des forces de progrès (UFP, l’opposition). Un télégramme du 14 avril 2009 rend compte de l’une de ses discussions avec le chargé d’affaires de l’ambassade américaine, Dennis Hankins. Membre du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD, militant pour le départ d’Aziz) à l’époque, Mohamed Ould Maouloud dit nourrir l’espoir que les plans de ce dernier s’écroulent. « Ould Maouloud dit que le Front voit la possibilité que certaines personnes qu’Aziz est en train de placer pour veiller à ses intérêts dans l’intervalle entre sa démission et son élection se retournent contre lui », rapporte le diplomate. À Nouakchott, certains observateurs en concluent à un « complot » d’Ould Maouloud avec Washington. L’un d’eux se dit « déçu » de voir cet ancien militant communiste « aller dans les bras des États-Unis ». Le chef de l’UFP, lui, explique que « le pouvoir est derrière cette déformation ». D’un complot l’autre.
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