Leila Ben Ali dans l’arène politique

La femme du président Ben Ali, candidat à sa propre succession pour un nouveau mandat de cinq ans, a fait de nombreuses apparitions publiques et médiatiques lors de la campagne pour l’élection du 25 octobre. Certains y voient comme la volonté de peser davantage sur la scène politique de son pays.

Publié le 21 octobre 2009 Lecture : 5 minutes.

Après deux semaines de festivités, de discours monologues et d’absence de débats, plus de cinq millions de Tunisiens se rendront aux urnes, ce dimanche, à l’occasion du scrutin présidentiel. Hormis le programme de Zine el Abidine Ben Ali, candidat à sa propre succession pour son cinquième et, théoriquement, dernier mandat, le seul événement marquant de cette campagne aura été la participation remarquée de Leila Ben Ali. L’épouse du chef de l’Etat a mis du piment dans la préparation de cette échéance en apparaissant pour la première fois comme un acteur politique sur lequel il faut désormais compter pour, selon le slogan de son mari, « relever les défis ».

Omniprésence médiatique

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La Première Dame a été omniprésente dans les médias, qu’il s’agisse des chaines télévisées locales ou la Une des journaux de la presse écrite. Après neuf jours de campagne électorale, elle a participé à cinq reprises à des activités publiques médiatisées. L’une avec son mari, et les quatre autres en étant la seule à tenir la vedette. A chaque fois, elle a paru combattive, notamment à l’occasion de l’ouverture de la campagne électorale le 11 octobre dernier, mais aussi dès le lendemain, lors d’une harangue aux jeunes sur le port de la Goulette, et à l’occasion du grand meeting féminin qu’elle a présidé le 16 octobre.

Lors de la première sortie, à la Cité sportive olympique de Radès, elle était assise au milieu des sept membres du Bureau politique du parti au pouvoir qui avaient pris place à la tribune juste derrière le candidat Ben Ali prononçant son discours d’ouverture de la campagne. Habillée d’une élégante tenue blanche composée d’un pantalon et d’une veste cernée d’une ceinture grise proche du kimono, elle était la première à se lever et à interrompre son époux pour l’acclamer et inviter les 14.000 supporters chauffés à blanc à encourager le président sortant. « Son costume n’est pas une tenue de judo à proprement parler, commente un judoka. Mais par son style, il en donne l’impression ».

Attitude offensive

N’empêche, le vêtement fait le message. Les observateurs ont vu dans la posture offensive de Leila Ben Ali, une combattante. Cela s’est confirmé les jours qui ont suivi.

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Le lendemain, entourée par plus de 5.000 jeunes mobilisés pour l’occasion, elle a assisté à l’accostage au Port maritime de la Goulette, près de Tunis, d’un bateau baptisé « Fidèles à Ben Ali ». A son bord, 400 jeunes filles et garçons invités pour une tournée de Bizerte dans le cadre des animations de la campagne. « Votre présence aujourd’hui est significative de votre volonté de renouveler votre engagement envers son Excellence Monsieur le Président, a-t-elle souligné dans son discours. Et pour poursuivre avec lui redoubler d’efforts et de labeur afin de reprendre, plus tard, le flambeau (…) et être les dignes successeurs du meilleur prédécesseur. »

Le jour suivant à Carthage, non loin du Palais présidentiel et au milieu d’une foule de supporters, elle a participé à un spectacle de personnes handicapées organisées par Basma, association qu’elle préside dont le but est d’aider les personnes handicapées.

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Soutien à Zine Ben Ali

Le temps fort a eu lieu vendredi dernier, avec le grand meeting de soutien à la candidature de Ben Ali qu’elle a présidé au Palais des sports d’El Menzah près de Tunis. Ce fut une réplique féminine du meeting présidentiel de Radès. Ce rendez-vous a rassemblé plusieurs milliers de femmes, mobilisées par les organisations et les associations du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Aux premiers rangs figuraient les épouses des principaux dirigeants politiques et hommes d’affaires, et la quasi-totalité des hauts cadres féminins de l’Etat, tous venus sur invitation personnelle.

Les membres de ce qu’il est convenu d’appeler le « réseau Basma » étaient également là, tout comme l’inévitable troupe d’applaudisseuses-chanteuses emmenées par le « chef d’orchestre » Saida Agrebi, présidente de l’Association des Mères et éternelle familière du Palais présidentiel sous Ben Ali, après l’avoir été sous son prédécesseur, Habib Bourguiba.

En pleine forme, pleine de verve, sillonnant la scène tout en jouant de ses mains pour saluer la foule, Leila Ben Ali a été ovationnée par ses « fans ». Les applaudissements ont redoublé lorsqu’elle a martelé que « le mérite d’un Tunisien par rapport à un autre Tunisien, ou d’une Tunisienne par rapport à une autre Tunisienne, ne vaut que par son apport utile au profit de son peuple et de sa patrie ». Dans cette ambiance électrique, l’épouse du chef de l’Etat tunisien a donné l’impression de tenir le rôle d’une femme politique énergique, déterminée et fonceuse.

Avocate des femmes

Et cela est tout à fait nouveau. Certes, Leila Ben Ali s’est souvent faite l’avocate d’une plus grande participation des femmes à l’action politique. « La présence de la femme dans la vie politique, dans les institutions, les corps constitués, et les composantes de la société civile nécessite de meilleures opportunités et de plus vastes perspectives, pour mieux consacrer la notion de partenariat équilibré avec l’homme dans la gestion de la chose publique… », a-t-elle déclaré en 2004, dans un discours lors de l’ouverture d’une Conférence internationale portant sur le thème de la femme dans la pensée du Président Zine el Abidine Ben Ali.

Activités caritatives

Mais hormis ces interventions, elle s’est jusque là tenue éloignée de l’arène politique préférant les activités caritatives et sociales au sein de l’association Basma (un sourire) qu’elle a fondée en 2000. A certaines occasions, elle signe également des éditoriaux dans les journaux tunisiens sur la condition de la femme et de l’enfance. Un thème qu’elle développe également dans les interviews qu’elle accorde à des magazines féminins du Moyen-Orient.

En mars 2009, elle a accédé à la présidence de l’Organisation de la femme arabe (OFA), sorte de club des épouses de rois et chefs d’états de la région. Toutefois, et en l’absence d’une biographie officielle ou d’informations vérifiables, on sait peu de choses sur sa personnalité. Pas même son âge. Celui-ci devrait se situer autour de la cinquantaine. On sait néanmoins que cette femme élégante habillée par les meilleurs couturiers est née dans une fratrie de 11 enfants de parents modestes et qu’elle a deux filles, Nesrine et Halima, ainsi qu’un garçon, Mohamed Zine el-Abidine, né en 2005.

En juin dernier, l’un des principaux groupes de presse de Tunisie, Assabah/le Temps, tout juste racheté par son gendre Sakhr el Materi (le mari de Nesrine), a écrit qu’elle est « la générosité discrète » tout en ajoutant qu’elle est « percutante d’esprit, d’humour, d’humanisme ».

Maintenant que la campagne s’achève et que les prochaines élections n’auront pas lieu avant 2014, le tout Tunis s’interroge. Leila Ben Ali va-t-elle se contenter de regarder les informations tout en poursuivant ses occupations habituelles de femme au foyer qui consacre beaucoup de temps à son association et surtout à son fils qu’elle accompagne chaque jour à l’Ecole internationale de Carthage dont elle est la promotrice ? Où, au contraire, cette femme énergique révélée par cette campagne électorale a-t-elle pris goût aux bains de foule et aux apparitions télévisées pour envisager un avenir plus politique aux côtés de son mari ? Seul l’avenir le dira.

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