Madagascar : Roindefo, le cinquième homme
En refusant de quitter son poste, l’actuel premier ministre malgache, Monja Roindefo, entend jouer sa partition dans la transition.
Le 7 février 2009, jour de carnage devant le palais présidentiel d’Ambohitsorohitra, il était là, avec les futurs « martyrs de la transition ». Pas Rajoelina. Les jours suivants, tandis que le leader de la contestation se terrait dans sa demeure, c’est lui qui menait les négociations avec les autorités et en faisait le compte-rendu aux manifestants. « On n’a pas oublié. Il était avec nous! » confie Hery, une partisane de la première heure de Rajoelina, aujourd’hui « désolée » par sa collusion avec ses prédécesseurs. Monja Roindefo le sait, qui compte bien surfer sur cette vague des déçus de la transition…
Ligne jaune
En refusant de quitter son poste de Premier ministre après l’accord du 6 octobre et en balayant d’un revers de la main les offres de Rajoelina (la vice-présidence ou la présidence du Conseil supérieur de la transition), Roindefo a franchi la ligne jaune. « Le divorce est consommé », confie l’un de ses proches, même si rien n’est jamais définitif à Madagascar. Ce n’est pas une surprise.
Dans le camp Rajoelina, on affirme que « le tandem fonctionnait bien ». Les deux hommes ne se seraient opposés qu’une seule fois depuis mars, lorsque le président de la Haute autorité de transition (HAT) a annoncé des élections pour le mois de décembre. « Trop tôt », avait jugé Roindefo, qui aujourd’hui les réclame avec force. « Peut-être pensait-il que c’était trop tôt pour lui », remarque-t-on aujourd’hui dans l’entourage de Rajoelina.
En réalité, cela faisait des mois que les deux hommes se méfiaient l’un de l’autre. Au fil des mois, l’ex-Premier ministre s’est constitué un solide réseau, notamment au sein de l’institution militaire, où il peut compter sur de nombreux soutiens, à commencer par celui du colonel Noël Rakotonandrasana, le ministre des Forces armées.
Recherche de légitimité
Aujourd’hui, il estime que le décret du président de la HAT nommant Eugène Mangalaza à son poste aurait dû attendre « la signature d’un accord entre les quatre mouvances ». Un artifice légal auquel personne ne croit. En montrant les dents, Roindefo vise autre chose: la légitimité populaire et, à terme, la prochaine élection présidentielle. Oubliant son piètre score de l’élection de 2006 – il avait recueilli 21 voix – , il s’est officiellement déclaré candidat le 10 octobre.
Obscur dirigeant du Monima (Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar) avant d’être nommé Premier ministre le 7 février, à la surprise générale, Roindefo est devenu incontournable en l’espace de quelques mois. Du moins le croit-il. « Il se prend pour ce qu’il n’est pas », persiflent ses adversaires au sein de la HAT. Alors que la rue est divisée, « Roindefo, confie un de ses proches, est persuadé d’être l’unique représentant des Malgaches qui sont descendus dans la rue pour dire non à la dictature de Ravalomanana ».
En outre, il rappelle régulièrement les événements de février et mars derniers. « Nous avons tout donné pour lutter contre la dictature. Nous avons délaissé notre gagne-pain pour exiger le changement. Nous avons risqué nos vies pour rejeter l’oppression », lâchait-il au lendemain de son éviction. « Mais aujourd’hui, poursuit-il, notre combat risque d’être dévoyé. »
Soutien de petits partis
Une dialectique longtemps éprouvée par son père, le nationaliste Jaona Monja, qui, quinze ans après sa mort, jouit toujours d’une popularité intacte chez les classes les moins aisées. Cette filiation n’est pas pour déplaire à Roindefo, qui évoque souvent « la dignité » et « la souveraineté nationale » et dit s’« inscrire dans son mouvement de libération et dans son discours ».
Désormais soutenu par une multitude de petits partis, l’ancien Premier ministre se voit en héraut de la rue. À ce titre, il revendique le droit de participer aux négociations et de représenter « la cinquième mouvance ». Une de plus.
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