Omar Bongo : « Le nouveau roi, c’est mon fils ! »

Publié le 13 juillet 2009 Lecture : 4 minutes.

Vieil habitué du palais royal de Rabat, qu’il fréquente assidûment depuis son accession au pouvoir, en décembre 1967, le président gabonais Omar Bongo se reposait au Maroc, sur le chemin du retour d’Alger, où il a assisté, du 12 au 14 juillet, au sommet de l’OUA, lorsqu’il apprit la mort de Hassan II. Aux côtés de ses pairs, il a accompagné son « frère et ami » à sa dernière demeure. Dans l’interview qui suit, il lève un coin du voile sur la personnalité du nouveau souverain, Mohammed VI, qu’il connaît depuis le milieu des années soixante-dix…

Jeune Afrique : Quand avez-vous connu le prince Sidi Mohammed ?
Omar Bongo :
Je l’ai rencontré pour la première fois en 1975, à Rabat. Il avait 12 ans. Puis, il est venu au Gabon, l’année suivante, en mission officielle pour le compte de son père. C’est quelqu’un de sérieux et de très mûr pour son âge. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent toujours penser que c’est un homme réservé, mais ce n’est là qu’une apparence. Lorsqu’il est en confiance, c’est quelqu’un d’agréable et de très jovial. Il est très lié à mon fils, Ali. Et j’ai toujours considéré le prince comme mon propre fils. En retour, il a beaucoup d’affection pour moi. La preuve ? Après avoir porté son père en terre, il s’est immédiatement jeté dans mes bras et a pleuré, presque comme un enfant.

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J.A. : Pensez-vous qu’il pourra facilement assurer la continuité de la monarchie ?
O.B. :
Il réussira, j’en suis persuadé, même s’il a longtemps vécu à l’ombre de son père. L’essentiel, c’est qu’on lui laisse le temps d’imprimer sa propre marque au pouvoir. On ne remplace pas du jour au lendemain quelqu’un comme Hassan II ! Il réussira. Il en a, en tout cas, la volonté, le caractère et la formation adéquate. Il saura bénéficier de tout le réseau d’amitiés et de relations laissé par son père. Par ailleurs, l’effet « jeunesse » joue en sa faveur. Il ne faudrait pas pour autant qu’il oublie les anciens, dont l’expérience lui sera d’une grande utilité. Moi-même, je suis passé par plusieurs étapes avant de parvenir au sommet de l’État. Une fois devenu président de la République, j’ai pris mon temps avant d’agir. J’ai travaillé avec les anciens collaborateurs de mon prédécesseur, le président Léon Mba, avant de trouver mon propre rythme. Cela dit, une monarchie n’est pas une république…

J.A. : Quel type de rapports entretenait le prince Sidi Mohammed avec le roi Hassan II ?
O.B. :
Des rapports de fils à père, pardi ! Une fois, je me trouvais à Rabat, à la fin des années quatre-vingt, lorsque le prince héritier a eu un accident de la circulation. Il avait à peine 25 ans. Son père, paniqué, m’a aussitôt appelé pour me dire : « Vous vous rendez compte ! Qu’aurais-je fait s’il lui était arrivé quelque chose de grave ? » Je suis certain qu’il pensait déjà à sa propre succession…

J.A. : Pouvez-vous en dire plus sur la personnalité du prince Sidi Mohammed ?
O.B. :
Je peux vous raconter deux anecdotes permettant de mieux comprendre sa personnalité. La première remonte à cette mission dont je faisais état à Libreville, en 1976. Il était accompagné d’un général qui faisait office, à l’époque, de chef de cabinet de Hassan II. Lorsque je les ai reçus en audience, le général a voulu prendre ses aises et s’asseoir, mais, sur un ton ferme, le prince s’y est opposé. Il lui a dit ceci : « Je veux rester seul avec le président Bongo ! » Il avait juste 13 ans et faisait déjà preuve de beaucoup d’autorité. Seconde anecdote : un jour, au cours d’un passage à Rabat, je suis allé le saluer au collège royal, où il était étudiant. Je l’ai trouvé en pleine discussion avec ses camarades. Il était comme tous les jeunes de son âge et d’une grande simplicité. Je m’en souviendrai toujours : il n’avait même pas la télévision dans sa chambre, mais il était informé des moindres détails de la politique nationale et internationale…

J.A. : L’avènement d’un nouveau roi pourrait entraîner des révisions déchirantes de la politique du royaume vis-à-vis des autres pays africains…
O.B. : Sincèrement, je ne le crois pas, même si je sais qu’à 36 ans, on n’a pas la même vision du monde que celui qui a 60 ans. Le nouveau roi a reçu une longue préparation et une solide formation. C’est un jeune dont nous devons guider les premiers pas sans pour autant nous ingérer dans les affaires intérieures du Maroc. En tout cas, tout dépend de lui dorénavant. S’il veut nous consulter, nous sommes à sa disposition. Il connaît le degré d’intimité qui liait son père à certains chefs d’État de notre continent. Comme vous l’aurez remarqué, lors des obsèques, il y a eu ceux qui ont eu droit à de simples salutations, ceux qui ont eu droit à des accolades, et les autres, les membres de la famille, les intimes, parmi lesquels je me compte…

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J.A. : Le tutoyez-vous ?
O.B. : Jusque-là, je le tutoyais, parce que c’est mon fils. Lui, me vouvoyait.

J.A. : Allez-vous continuer de le tutoyer maintenant qu’il est roi ?
O.B. :
C’est un détail protocolaire qui a peu d’importance. Je continuerai de le tutoyer lorsqu’on sera entre nous, en famille. Et, en public, je le vouvoierai.

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