Démocratisation sous pression
Les années Lansana Conté
Au début des années 1990, la Guinée n’a pas échappé à la vague de démocratisation qui a touché la plupart des pays africains. Mais cette ouverture politique, à laquelle aspiraient nombre de Guinéens après vingt-six ans de dictature, n’a pas eu tous les effets positifs escomptés. Si elle s’est accompagnée d’une plus grande liberté politique et d’expression, elle a donné lieu à des relations difficiles entre le pouvoir et l’opposition, qui s’est montrée incapable de s’unir pour faire contrepoids au régime en place. Bien que la situation se soit améliorée, les droits de l’homme ne sont pas toujours respectés.
Le processus de démocratisation a démarré dans la contestation. Adoptée par référendum le 23 décembre 1990, la nouvelle Constitution limitait en effet le nombre de partis à deux. Mais sous la pression des mouvements en faveur du multipartisme intégral, qui se développèrent dans le courant de l’année 1991, le chef de l’État sera contraint d’annoncer la légalisation de tous les partis politiques pour le 3 avril 1992, après la promulgation de la Constitution, en décembre 1991.
Loin d’enrichir le débat, la prolifération des partis a exacerbé les divisions. La plupart des formations se sont construites sur une base ethnique. À l’exception du Parti de l’unité et du progrès (PUP) du président Lansana Conté, qui bénéficie de l’appareil d’État et de moyens financiers importants, ainsi que de l’Union des forces républicaines (UFR), les autres formations font en général le plein de leurs voix dans la communauté d’origine de leur dirigeant. Ainsi, la base électorale du Rassemblement du peuple guinéen (RPG) d’Alpha Condé est malinkée, celle de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) est peule, tandis que les fiefs de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG) et du Parti du peuple de Guinée (PPG) sont en Guinée
forestière.
BOYCOTTÉES PAR L’OPPOSITION
Une division qui sera exploitée par le parti présidentiel et sera à l’origine de climats électoraux tendus. Quand elles n’ont pas été reportées ou bien boycottées par l’opposition, la plupart des échéances électorales se sont accompagnées de violences, et leurs résultats ont été contestés. Au final, c’est le PUP qui sortira gagnant de tous les scrutins.
À la présidentielle du 19 décembre 1993, Lansana Conté est élu dès le premier tour, avec 50,93 % des suffrages, devançant Alpha Condé (20,85 %), Mamadou Ba (13,11 %) et Siradiou Diallo (11,64 %), ses principaux concurrents. En décembre 1998, il emporte une nouvelle fois le scrutin dès le premier tour, avec 56,12 % des voix. La situation dégénère avec l’arrestation et l’emprisonnement d’Alpha Condé. Jugé par la Cour de sûreté de l’État, une juridiction d’exception, pour « atteinte à la sûreté de l’État », ce dernier sera condamné le 11 septembre 2000 à cinq ans de réclusion criminelle. Il restera deux ans en prison, avant de bénéficier, en novembre 2003, d’une loi d’amnistie pour « tous les délits à caractère politique » votée par l’Assemblée nationale.
En décembre 2003, Conté gagne encore une fois la présidentielle avec 95,6 % des suffrages exprimés, face à un seul candidat, Mamadou Bhoye Barry, de l’Union pour le progrès national (UPN). Le revoilà donc en selle, cette fois-ci, pour sept ans. Adoptée par référendum en novembre 2001, une réforme de la Constitution allonge en effet le mandat présidentielde deux ans, supprime la limite d’âge pour son titulaire et instaure un nombre illimité de mandats.
Les autres scrutins connaîtront des problèmes semblables. Les résultats des législatives du 11 juin 1995, remportées par le PUP, sont contestés par l’opposition. Du coup, la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale est retardée après la création, le 4 juillet, d’une Coordination de l’opposition démocratique (Codem) regroupant douze partis de l’opposition qui refusent de siéger. En octobre, les choses finissent toutefois par rentrer dans l’ordre.
Prévues à l’origine à la fin de 2000, mais reportées en raison des attaques de rebelles sierra-léonais et libériens, les législatives se tiennent finalement
le 30 juin 2002. Boycottées par la majorité des partis de l’opposition, à l’exception de l’UPR, elles voient la victoire de la majorité présidentielle, qui rafle 90 sièges, contre 24 pour l’opposition.
La mort de Lansana Conté remet désormais en cause l’échéance électorale de la présidentielle 2010. Quels scénarios attendent le pays? En tous cas, les Guinéens, fatigués de leur classe politique, aspirent à voir émerger une nouvelle génération de leaders.
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