Un mardi 4 novembre

Publié le 14 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Difficile d’oublier ces images d’une Amérique heureuse, ces images rares de fraternité, ces foules à New York, à Chicago et ailleurs… Difficile d’oublier les larmes et l’émotion de ces Africains-Américains qui ont connu, dans leur propre existence, ou dans l’expérience de leurs parents, la réalité de la ségrégation, de la discrimination, de l’humiliation. Difficile de ne pas sentir cette immense vibration « black » qui secoue le monde, cette immense fierté qui traverse l’humanité noire, humanité méprisée et brutalisée par l’Histoire : les « nègres » ont donné un président à la grande Amérique, berceau de l’esclavage.
Et lui, Barack Hussein Obama : comment échapper à cette force, cette jeunesse, à ce talent, cette voix, cette manière de nous dire à tous : « Yes we can. » Comment échapper à ce quelque chose d’imperturbable, d’ambitieux et d’étrangement efficace. 47 ans, métis, une expérience finalement minimale, une campagne révolutionnaire, sans états d’âme, et le voilà devenu président des États-Unis…
On n’oubliera pas ce mardi 4 novembre 2008, le jour où l’on a su que tout était possible, que quelque chose avait changé dans l’ordre impitoyable des choses.
On n’oubliera pas que cette date a marqué la fin, enfin, de huit ans de présidence Bush, la fin de l’emprise des néoconservateurs, la mise en échec (provisoire) de cette vision néo-impériale, égocentrique et idéologique du monde. Et le début d’un inventaire implacable pour le bilan des partants : Guantánamo, les droits de l’homme, l’Irak, ses mensonges et ses morts, l’Afghanistan, l’échec de la lutte contre le terrorisme, la débâcle économique…
On n’oubliera pas que ce 4 novembre 2008 l’Amérique a montré qu’elle restait une très grande démocratie, capable de capter la modernité, d’élire un homme autre, de prendre un chemin différent, malgré ses peurs et ses angoisses.
On n’oubliera pas ce 4 novembre 2008, jour la grande révolution conservatrice, lancée dans les années 1980 et incarnée à ses débuts par un acteur aux idées simples, est arrivée enfin à son terme. Après l’argent roi, la primauté de « l’individuel » et le chacun pour soi, on sent revenir la « communauté » et la « société ».
On n’oubliera pas, nous autres Africains, que le père du président élu est né chez nous, au Kenya, pas loin de la vallée où, dit-on, les premiers hommes se sont levés. Et que Barack Hussein Obama ne peut pas être, consciemment ou inconsciemment, un Américain tout à fait comme les autres. Mais que ce n’est pas lui qui changera nos vies par magie. Qui nous donnera progrès et démocratie. Et que ce combat-là reste le nôtre.
On n’oubliera pas que cet homme, quels que soient son magnétisme et son courage, affronte la pire des situations, une Amérique en proie au doute, la crise économique globale la plus sévère depuis 1929, un monde disloqué, fracturé, inégal et dangereux. On fait peser sur ses épaules une responsabilité immense, une tâche probablement impossible.
On croise les doigts et on souhaite que Barack Obama, « phénomène » politique exceptionnel, devienne un grand président

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