L’éternel retour du « Chinois »

Après avoir menacé de renverser le président Gbagbo par les armes il y a trois ans, le général Mathias Doué annonce son intention de le combattre par les urnes.

Publié le 14 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Cette fois, Mathias Doué ne veut pas faire la révolution. Il veut juste se faire élire à la présidence de la République. Le général en exil ne doute de rien, et annonce qu’il va chasser Gbagbo par les urnes après avoir fanfaronné, il y a trois ans, qu’il allait le faire partir par les armes.
En Côte d’Ivoire, le « Chinois » n’effraie plus personne. Il donne des interviews, se contredit parfois, affabule un peu. Interrogé par J.A. au téléphone, il reste catégorique sur un point : sa candidature à la prochaine présidentielle. Il dit se trouver à Bruxelles, et s’apprêterait à rentrer au pays.
À Abidjan, il s’appuie sur une poignée de ressortissants de sa région, des Wobès essentiellement, originaires de Duékoué, dans l’ouest du pays. Ils ont formé un parti politique, le Congrès pour la renaissance ivoirienne (CRI), dont on ne connaît pas les effectifs. Quant au programme politique, Mathias Doué le résume en une phrase : « Nous sommes un parti social-démocrate. » Les moyens dont il dispose ? « Juste ce dont nous avons besoin. »
Très évasif, le général explique qu’il a vécu ces dernières années grâce à ses économies faites pendant qu’il était en poste en Chine et au Japon, où il a gagné aussi son surnom de « Chinois ». Mais dès qu’il évoque le passé, Doué se fait plus confus. Il explique ainsi avoir été emprisonné pendant 108 jours au début des années 1990 parce que Robert Gueï, alors chef d’état-major, le soupçonnait d’être du FPI. Il assure pourtant avoir à cette époque « infiltré » le parti de Laurent Gbagbo, sans que l’on sache finalement pour le compte de qui.
Idem pour sa fuite de Côte d’Ivoire en 2005. Il raconte d’abord avoir échappé à la mort. Puis explique qu’il a quitté le pays « le plus normalement du monde », avec sa famille, tous munis de passeports diplomatiques ou ordinaires ainsi que de billets d’avion offerts par la présidence. « J’ai beaucoup voyagé. Je me suis notamment rendu aux États-Unis, où réside ma famille, en Europe, où je me trouve actuellement, et en Afrique de l’Ouest. »
Aujourd’hui, Doué promet donc de revenir au pays faire campagne. Mais il demande des garanties. Laurent Gbagbo a beau promettre que la sécurité du général en retraite sera assurée, l’intéressé juge que ce n’est pas suffisant.
« Poltron », « traître », « kyste »… les proches du chef de l’État n’ont jamais caché le peu de considération que leur inspirait le général Doué. Lui n’épargne pas non plus le président : « Gbagbo reste le problème de la Côte d’Ivoire », lance-t-il.
Reste que l’ancien chef d’état-major des forces armées ivoiriennes, qui vit à des milliers de kilomètres d’Abidjan, ne fait rien, ou pas grand-chose. Ses petites lunettes rondes, sa canne à pommeau doré et sa réserve légendaire ont suffi à bâtir sa légende. Il a longtemps été considéré comme un stratège, un soldat d’élite, un chef aimé de sa troupe, le prototype du parfait putschiste. On le disait en train de comploter. En fait, Mathias Doué « se ressourçait moralement ». Les Écritures saintes lui ont donné, dit-il, un « supplément d’âme ». Mais peut-être pas encore le petit plus qui fait d’un militaire un homme politique.

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