Muzito prône le dialogue à Goma

Publié le 14 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

C’est par Goma, capitale du Nord-Kivu, que le nouveau Premier ministre congolais, Adolphe Muzito, a commencé le 3 novembre son premier voyage officiel dans l’est du pays. Goma, ville quasiment assiégée depuis la fin octobre, est à portée de fusils des rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Si elle n’est pas tombée le 29 octobre, alors que les soldats de l’armée nationale, sous la menace des troupes de Nkunda, venaient de l’abandonner à son sort, non sans avoir commis quelques exactions, c’est surtout parce qu’elle abrite l’un des quartiers généraux de la Mission des Nations unies en RD Congo (Monuc). Cette présence, par ailleurs très controversée, permet à Goma de rester sous le contrôle des autorités provinciales.

Casques bleus conspués

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Des pierres grises et noires sorties du ventre du Nyiragongo jonchent l’aéroport de Goma, dont la piste a été rétrécie depuis l’éruption du volcan en 2002. Les sacs de sable entassés, les tanks et autres véhicules blancs frappés des lettres « UN » renforcent la sensation de chaos. Une fois qu’on a quitté le petit aéroport essentiellement protégé par des soldats du contingent pakistanais, reconnaissables à leur barbe fournie et au turban bleu qui couvre leur tête, on en arrive à oublier que ces Casques bleus, il y a une semaine encore, ont été vivement pris à partie par la population. Ils ont été accusés d’indifférence lors des attaques rebelles, voire de complicité. Mais cet après-midi, l’incident semble clos. Les véhicules de la Monuc circulent tranquillement. Cette fois, aucun jet de pierres.
Sur la chaussée défoncée, les 4×4 des officiels roulent à vive allure. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le chef-lieu du Nord-Kivu vit à plein régime. Dans les rues populeuses bordées de panneaux publicitaires, la circulation est dense. Les petites motos, taxis du pauvre, se faufilent entre des voitures, des minibus et des véhicules tout-terrain. Les nombreux commerces aux enseignes colorées sont encore ouverts à cette heure où les élèves rentrent de l’école. Dès la tombée de la nuit, en revanche, ils seront presque tous fermés. Goma est devenu au fil des ans une ville peu sûre, sentiment renforcé par l’absence d’éclairage public. À 23 heures, début du couvre-feu, la ville restera déserte jusqu’à 5 heures du matin.
Chaque habitant de Goma a une histoire à raconter sur les journées angoissantes de la fin du mois d’octobre. « Nous avons été surpris de voir partir les chars de notre armée. Ils étaient censés défendre la ville », raconte un jeune homme. « Nous avons alors réalisé que l’heure était grave, poursuit-il. Les soldats fuyards sont partis après avoir saisi des véhicules. Moi, je me suis retrouvé avec un groupe chez le vice-gouverneur. Quelques policiers assuraient notre sécurité. La consigne était d’attendre l’arrivée des rebelles sans chercher à opposer la moindre résistance. » Une jeune étudiante en informatique se rappelle avoir passé des moments difficiles. « Je suis restée enfermée chez moi trois jours durant, craignant d’être violée, comme ce fut le cas pour plusieurs femmes, ou d’être tuée. Je ne suis sortie de la maison que lorsque les tirs ont cessé. » Les plus malheureux ont vu leurs proches abattus de sang-froid. Beaucoup de Gomatraciens ont fui vers le Sud-Kivu, le Rwanda, voire l’Ouganda. Tous ne sont pas encore revenus. Si la psychose générale semble avoir baissé d’un cran, les habitants de Goma, qui n’ont plus confiance ni en leur armée ni en la Monuc, savent que les hommes de Nkunda ne sont qu’à 10 km de là, au nord. Et que le cessez-le-feu reste précaire.
« Les principaux axes par lesquels passent les produits vivriers destinés à Goma sont presque tous tenus par le CNDP, affirme Julien Paluku. Cela crée d’énormes problèmes. Les opérateurs économiques ont peur d’y aller, à cause de barrières installées par les rebelles et des taxes qu’ils font payer. À titre d’exemple, un camion de dix à quinze tonnes est taxé 450 dollars. D’où une flambée des prix sur les marchés locaux. »

Normalisation avec Kigali ?

En se rendant dans l’Est, et particulièrement à Goma, le Premier ministre Adolphe Muzito a voulu d’abord s’imprégner des réalités de cette région. Des réalités auxquelles, dit-on ici, son prédécesseur était imperméable. Dès son arrivée, il s’est entretenu avec les représentants des différentes institutions locales et internationales (Monuc, Union européenne, États-Unis, etc.). Avec une démarche claire : mettre fin à la guerre.
Sur le plan politique, le Premier ministre privilégie le dialogue avec les rebelles. Sur le plan diplomatique, il est favorable à une reprise des relations avec les pays voisins, principalement avec le Rwanda. Et il pourrait, s’il a les mains libres, faire évoluer la position congolaise, qui consistait jusque-là à lier toute normalisation avec Kigali au règlement du cas Nkunda, considéré comme un exécutant de la volonté rwandaise. Selon ses interlocuteurs, Muzito s’est montré convaincant. Il reste maintenant à savoir quelle sera sa véritable marge de manœuvre. Chez les Nandes du Nord-Kivu, lorsqu’un événement est suivi d’une pluie fine, c’est signe d’une bénédiction. Et la pluie est tombée au moment où Adolphe Muzito s’apprêtait, le 5 novembre, à s’envoler pour le Sud-Kivu.

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