Bénin : quatre femmes puissantes
Dans la mode, le commerce ou les services, elles ont montré leur inventivité et leur force de caractère. Portraits.
Saratou Kabassi-Adeoti : tout en une
Ne vous arrêtez pas à son sourire et à sa spontanéité. Saratou Kabassi-Adeoti, 54 ans, est une redoutable femme d’affaires. Administratrice d’Omnium des télécommunications et de l’internet (OTI), le premier fournisseur privé d’accès à internet (qu’elle a contribué à créer), fondatrice et directrice générale de Vaccipharma, l’un des principaux fournisseurs de médicaments de l’État béninois, elle est aussi représentante au Bénin et au Togo d’Aggreko, l’un des leaders mondiaux de la location d’énergie.
Diplômée en sciences économiques, cette native de Savè (Centre) a commencé sa carrière en 1983 à l’Office béninois de l’informatique. Cinq ans plus tard, elle devient représentante de Rhône-Poulenc au Bénin et au Togo, puis coordonnatrice de Sanofi Pasteur, avant de quitter le groupe en 2005. « Je pensais qu’il était temps d’arrêter de travailler pour les autres, explique-t-elle. Et j’avais envie d’être plus libre de choisir ce dans quoi je voulais m’investir. Par exemple dans la distribution de vaccins, il faut pouvoir servir de conseil, accompagner les États dans leur politique de santé publique. » Parallèlement, n’ayant « jamais vraiment oublié [ses] premières amours », Saratou Kabassi-Adeoti s’investit dans la création d’OTI. Elle est aujourd’hui candidate à la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin (CCIB), qui, depuis deux ans, est la proie de luttes intestines qui ont obligé le gouvernement à surseoir aux élections des délégués et à mettre en place un bureau transitoire de deux ans. Atteindra-t-elle son nouvel objectif ? Elle est en tout cas motivée : « On peut faire plus que ce qui est fait actuellement pour les industriels. Il faut que nous soyons plus ambitieux. »
Pepita D : élégance, succès et discrétionVidjingninou/LDFM/JA" class="caption" style="margin: 3px; border: 0px solid #000000; float: right;" />
C’est l’une des meilleures, sinon la meilleure ambassadrice de la mode béninoise. Ses créations – mix de wax, de lin, de soie ou de pagne tissé – ont été vues sur les « T » de Paris, New York et Londres. Pourtant, Pepita D, 44 ans, reste mystérieuse. Ou presque. Difficile de la voir, encore plus de la joindre, comme si elle se terrait au fond de son atelier, penchée sur son cahier de croquis.
« C’est vrai que je suis très timide, avoue-t-elle en riant. Cela m’a parfois joué des tours. » Fille de couturière, Pepita a tout juste 24 ans lorsqu’elle rentre à Cotonou, avec son diplôme de styliste de l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) de Paris (France). Elle ouvre son atelier en 1992, avec pour seul capital son savoir-faire et le soutien de sa famille. Dix ans plus tard, elle fait déjà partie des « grands noms », aux côtés de l’Ivoiro-Burkinabè Pathé Ouédraogo et de la Sénégalaise Oumou Sy.
Ses clientes viennent de Dakar ou de Lagos et ses créations sont distribuées à Yaoundé, Bamako, Abidjan, et le seront bientôt dans la capitale française. « Si tout avance comme je veux, tempère-t-elle. Cela fait deux ans que j’y travaille… »
Awahou Codjo : petit poisson devenu grand
C’est en 1995 que, le cap de la trentaine passé, elle a créé Awa Fish, entreprise spécialisée dans la commercialisation et la distribution de produits de la mer et de volaille. Rien de plus normal quand on sait qu’Awahou Codjo, 50 ans, est issue du groupe ethnique des Wémènous, peuple du sud du pays vivant principalement de la pêche. Pourtant, titulaire d’une maîtrise d’anglais (qu’elle a enseigné un temps) et d’un DESS de secrétariat bilingue, elle n’avait pas a priori le profil type de la mareyeuse. Mais c’était compter sans son sens de l’organisation, son envie d’entreprendre et son aptitude à apprendre des pêcheurs comme de ses clients commerçants. Résultat : le modeste capital de départ d’Awa Fish, 2,5 millions de F CFA (3 800 euros), atteint aujourd’hui 1,4 milliard de F CFA.
En 1997, Awahou Codjo a fait construire une première chambre froide dans la zone du port de pêche de Cotonou grâce à un financement de la Caisse française de développement (CFD, devenue l’Agence française de développement). Elle en fait bâtir une deuxième à Dandji (Littoral, dans l’est de la commune de Cotonou) en 2000, avec le concours financier d’Équipbail-Bénin, filiale du groupe Bank of Africa. De quoi hisser rapidement Awa Fish parmi les principales entreprises importatrices de produits de la mer frais. Mais aussi en faire l’une des deux premières exportatrices d’abats de volailles vers le Nigeria voisin. En 2009, une subvention du programme américain Millenium Challenge Account – de 350 000 dollars (244 187 euros) – lui permet d’ouvrir une succursale dans l’ouest de l’agglomération, et ainsi de se rapprocher de ses clients du marché central.
Raïssa Gbédji : elle parle
Pour les auditeurs de Radio France Internationale (RFI), elle est la voix du Bénin à l’étranger. Mais dans son pays, elle est bien plus que ça. Femme de médias, activiste de la cause féminine, chanteuse à succès, Raïssa Gbédji, 40 ans, est de celles qui pensent qu’on peut tout faire, pourvu qu’on le fasse bien et avec plaisir.
Après une formation en secrétariat, puis en communication, la jeune femme devient animatrice du journal sur Golfe FM, l’une des premières radios privées du pays, puis, en 2005, rédactrice en chef d’une radio cotonoise, Océan FM, avant d’être repérée par la direction Afrique de RFI.
Tout s’enchaîne ensuite : la célébrité, et les pressions qui vont avec. Comme son audition, en 2010, par la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), pour avoir relayé l’information selon laquelle des députés menaçaient de traduire le président devant la Haute Cour de justice.
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