L’impensable

Publié le 14 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Face aux tremblements de l’Histoire, il convient de rester modeste. Début 2008, il y a dix mois, pas plus nous à Jeune Afrique que les meilleurs de nos confrères américains et anglo-saxons, pas plus, quoi qu’il en dise aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, que la totalité de ses pairs à travers le monde n’aurions parié un seul dollar sur les chances de Barack Obama. « Sauf bouleversement majeur », écrivait en janvier l’excellent Financial Times – le « bouleversement » en question ne pouvant être qu’une victoire du républicain John McCain -, Hillary Clinton allait ce 4 novembre 2008 être la première femme élue à la tête de la plus grande puissance du monde. Quelques mois plus tard, bien qu’Obama eût une première fois démenti ces prévisions en devenant le candidat du Parti démocrate, la plupart d’entre nous pensions qu’il avait fait l’essentiel et marqué l’Histoire. Dans un pays où, il y a un demi-siècle encore, un homme noir risquait d’être lynché pour avoir courtisé une femme blanche, le pas accompli était énorme. Et déjà miraculeux. Relevée par BBY dans l’un de ses « Ce que je crois », la prédiction visionnaire du magnat de la presse Rupert Murdoch, pour qui le phénomène Obama allait inévitablement déboucher sur un « raz de marée » électoral, apparaissait alors comme une incongruité sympathique. À quoi servait-il de rêver, face aux évidences du fameux facteur racial ?

Nous voici donc face à l’impensable : « un Noir à la Maison Blanche », titre en cover, avec point d’interrogation de rigueur, du premier J.A. de l’année 2008. Un Noir ? « Barack est noir parce que notre société ne lui a pas laissé le choix d’être autrement, confiait il y a peu le futur vice-président Joe Biden. Mais il est autant le fils de sa mère que celui de son père. » Un métis donc, citoyen d’un monde qui n’a jamais autant espéré en un président américain, au risque de l’écraser sous le poids de ses attentes, au risque surtout de le condamner par avance à décevoir. N’oublions pas que cet ovni de la politique est aussi le produit d’un système américain plus fort que les individus, d’un parti traditionnellement protectionniste, d’une crise financière historique et surtout d’un héritage catastrophique. Les années Bush ont à ce point perverti la vision que le monde avait des États-Unis que le monde n’a pas vu à quel point la société américaine avait progressé. Jusqu’à élire un homme qui, de par son éducation et son itinéraire uniques, est sans doute le premier hôte de la Maison Blanche à prendre en compte, naturellement et presque biologiquement, le regard que nous portons sur son pays. De là où il est, au pays de Nyasaye, le créateur du monde dans la cosmogonie des Luos du lac Victoria, Barack Hussein Obama senior peut être fier de son fils…

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