Côte d’Ivoire : Les Brasseries ivoiriennes lancent la compétition

Usine neuve, personnel formé, marques déposées… Le nouvel acteur de la bière est prêt à investir le marché national. Et va tenter d’en conquérir 10 %.

Les Brasseries Ivoiriennes mettront bientôt sur le marché deux bières blondes. © Olivier/JA

Les Brasseries Ivoiriennes mettront bientôt sur le marché deux bières blondes. © Olivier/JA

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 15 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

Abidjan, quartier de Yopougon. C’est ici, en pleine zone industrielle, que bat le coeur du groupe Eurofind. Au bout d’un chemin de terre, ce conglomérat d’entreprises classé parmi les plus grands du pays a logé ses sociétés ivoiriennes les plus importantes. Alignés en bord de route, au-delà d’une barrière gardée, les camions attendent de pouvoir apporter aux professionnels du BTP les fers à béton, tôles, et autres produits métallurgiques transformés ici par la Sotaci, filiale d’Eurofind, et par les Aciéries de Côte d’Ivoire, nées en 2010.

De l’autre côté du chemin règne une tout autre ambiance. En cette fin mars, seul le ballet des banquiers et de leurs 4×4 vient troubler le bruit des bouteilles de verre qui s’entrechoquent. Sur ces 9 ha auparavant inoccupés, Eurofind a érigé une brasserie qui bouleversera bientôt un marché ivoirien de la bière jusqu’ici bien tranquille. Des immenses silos remplis d’orge maltée et de maïs jusqu’aux cuves de fermentation, en passant par le laboratoire de contrôle et la ligne d’embouteillage, environ 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) ont été investis dans le site. Le résultat est impressionnant.

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La bière, c’est avant tout une question de marketing. Nous allons chercher à innover, à avoir une approche tournée vers le consommateur.
Moussa Bouali, directeur général

« Le brassage a commencé début mars, explique Moussa Bouali, directeur général des Brasseries ivoiriennes, la filiale d’Eurofind qui gère cette usine. L’embouteillage aussi. La commercialisation, elle, devrait débuter dans les semaines qui viennent. » Dans l’immense structure ultramoderne, les machines, venues pour la plupart d’Allemagne, attendent la dizaine de millions de bouteilles vides stockées dans un grand hangar. Elles ressortiront pleines et étiquetées. Le bâtiment a été livré clés en main par ses fabricants allemands, restés pour la mise en marche et les réglages. Après le blocage du projet causé par la crise postélectorale, il aura fallu plus d’un an pour monter l’usine.

Bientôt prêt pour l’offensive

À quelques mètres de là, la station d’épuration d’eau est presque terminée. Tout sera bientôt prêt pour le début de l’offensive. Les Brasseries ivoiriennes ont décidé de développer leurs propres marques afin de se lancer sur le marché. Deux bières blondes, l’une un peu plus premium que l’autre, seront ainsi mises en vente, principalement dans les maquis, ces bars où se vend l’essentiel des millions d’hectolitres consommés chaque année par les Ivoiriens. Mais avant le lancement officiel, le directeur général tient à garder les marques secrètes. Sans doute autant pour ménager un effet de surprise que par superstition. Moussa Bouali précise que ces boissons s’inscriront dans la plus pure tradition de la bière allemande, dont le succès ne se dément pas en Afrique de l’Ouest. Pour assurer cette qualité et mener les opérations de brassage, Les Brasseries ivoiriennes ont recruté un spécialiste du secteur, un ancien de Castel en Afrique centrale. Pour le reste des équipes, il a fallu recourir à la formation, les compétences locales étant rares. Aujourd’hui, 70 personnes travaillent dans la brasserie, elles seront bientôt 135.

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Dans ce secteur, on garde jalousement ses secrets et on se méfie souvent du moindre contact avec la presse.

« Nous n’attaquerons pas le marché de manière agressive, nous ne casserons pas les prix », tient à préciser Moussa Bouali, dont l’entreprise souhaite à court terme conquérir autour de 10 % de part de marché. Pour la jeune pousse brassicole, l’enjeu sera de pousser les consommateurs à rompre avec leurs bières habituelles, fabriquées en immense majorité par la filiale locale du français – et géant africain de la bière – Castel.

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Marché en pleine croissance

Rien ne filtre sur la stratégie commerciale des Brasseries ivoiriennes, dans un secteur où le principal concurrent garde jalousement ses secrets et se méfie du moindre contact avec la presse. Or la clé de la réussite se situe là, en grande partie. « La bière, c’est avant tout une question de marketing, analyse Moussa Bouali, qui compte lui-même quatorze années d’expérience commerciale sur le marché ivoirien, dans une autre filiale du groupe Eurofind. Nous allons chercher à innover, à avoir une approche tournée vers le consommateur. Celui-ci mérite d’avoir le choix. » Les Brasseries ivoiriennes ont développé leur propre réseau de distribution, en mettant en place les dépôts agréés qui vendront leurs produits aux détaillants.

Sur le papier, le marché a largement assez de place pour un nouvel acteur. Aucune statistique officielle n’existe, mais selon la société de Bourse Hudson, la consommation nationale a atteint 4 millions d’hectolitres en 2012. Les Brasseries ivoiriennes, elles, parlent de 2,5 millions. « Le taux de croissance moyen du marché, important l’année dernière, s’explique par un rattrapage après la crise politico-militaire de 2011, affirme François Adjitin, analyste chez Hudson. À partir de 2013, nous estimons qu’il sera de 8 % par an. » Soit peu ou prou la capacité de la toute nouvelle usine des Brasseries ivoiriennes, de 250 000 hectolitres pour l’instant. Preuve que le nouveau venu, tout en introduisant un peu de compétition sur le marché, ne menacera pas de sitôt l’emprise du groupe Castel sur la bière ivoirienne.

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