La cavale sans fin de Joseph Kony

L’Armée de résistance du Seigneur multiplie les attaques dans le nord-est de la RD Congo. Un ultimatum a été lancé au « prophète » sanguinaire pour qu’il cesse le combat avant la fin de novembre.

Publié le 13 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Bangadi, nord-est de la République démocratique du Congo (RD Congo), fin octobre : les rebelles en provenance d’Ouganda pillent et saccagent la ville avant de mettre le feu aux maisons et bâtiments publics. Six morts, tous des civils. Début novembre, Dungu, même région : cette fois les milices ougandaises se heurtent aux troupes gouvernementales congolaises. Une dizaine de rebelles sont tués, les autres s’enfuient, emmenant avec eux une cinquantaine d’otages, dont, comme à leur habitude, une majorité de petites filles. Environ 50 000 civils auraient fui Dungu pour échapper aux assaillants.
Depuis plus de vingt ans, les hommes de Joseph Kony, le prophète illuminé de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), défient sans vergogne le pouvoir de Kampala. Opérant d’abord depuis le nord de l’Ouganda et le sud du Soudan, ils évoluent aujourd’hui dans la zone frontalière entre Soudan, RD Congo et Centrafrique. Selon l’International Crisis Group, « la LRA est partie d’Ouganda, mais avec cette vague d’enlèvements elle est en train de consolider ses forces dans [ces] zones isolées ». Dépourvue d’objectif politique clair – Kony a pour unique programme une version très personnelle des « dix commandements de Dieu » -, la LRA pille, tue et enlève des enfants pour en faire des soldats ou des esclaves sexuels. L’usage de la force a échoué à mettre un terme à ses exactions, et les négociations, entamées en juillet 2006 à Juba, au Sud-Soudan, ont abouti à un texte jamais paraphé.
Paradoxalement, ce sont les mandats d’arrêt lancés par la Cour pénale internationale (CPI) contre Joseph Kony et ses proches lieutenants qui ont empêché de trouver une issue au conflit. Craignant d’être jugé et jeté en prison à l’instar du Libérien Charles Taylor et du Congolais Jean-Pierre Bemba, le « seigneur » a préféré rester dans le maquis plutôt que de compter sur une très improbable amnistie. À la fin du mois d’avril 2008, c’est en vain que les négociateurs ont attendu qu’il se présente pour signer le traité de paix.
Envoyé spécial des Nations unies pour les régions affectées par la rébellion, l’ancien président mozambicain Joachim Chissano ne s’est guère montré optimiste : « J’ai l’impression que le processus de paix de Juba est dans l’impasse. Alors que les négociations sont terminées depuis le mois d’avril, on attend toujours que Kony veuille bien signer. Cela met en péril le retour pacifique des combattants de la LRA au pays et l’instauration de la paix dans le nord de l’Ouganda. » D’où un nouvel ultimatum lancé le 5 novembre, à l’issue d’une rencontre entre le médiateur, le vice-président du Soudan Riek Machar, le représentant de la LRA David Matsanga, et le président Museveni. « Nous exigeons que la LRA cesse ses attaques et signe le traité de paix final avant la fin du mois de novembre, a lancé Riek Machar. J’espère que le général Kony prendra cet ultimatum au sérieux. » Le ministre ougandais de l’Intérieur, Ruhakana Rugunda, a enfoncé le clou : « Tout refus de se soumettre à cette obligation ouvrirait la porte à d’autres choses. »
L’ultimatum finalement n’est assorti que d’une menace vague. Pour le moment, l’armée ougandaise n’a jamais pu défaire les troupes rebelles. Quant au Soudan, qui pendant longtemps a soutenu militairement la LRA afin d’affaiblir le sud du pays, il y a peu de chances qu’il s’engage dans une opération armée. Museveni, de son côté, est déjà fort absorbé par les élections de 2011, après avoir fait modifier la Constitution il y a trois ans. Pour lui « la démocratie est aujourd’hui effective ». Il veut convaincre les mécontents « d’utiliser un bulletin de vote plutôt qu’un fusil. » Sortir du bois, ce serait pour Joseph Kony risquer la peine de mort. Autant continuer à vivre en bête traquée, comme il le fait depuis des années…

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