Que reste-t-il des pavillons nationaux ?
Trop petits et insuffisamment capitalisés, les grands transporteurs publics ont disparu du ciel. Le plus souvent associés à des partenaires privés, leurs successeurs misent sur les dessertes régionales pour tenir tête.
Transport aérien, le ciel africain reprend des couleurs
Projets avortés, liquidations, espoirs déçus… le transport aérien en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale cherche toujours sa grande compagnie. Six années ont été nécessaires après la disparition d’Air Afrique pour qu’un groupe d’investisseurs ouest-africains lance un projet a priori viable, doté d’une assise financière suffisante (120 millions de dollars) et largement soutenu par le privé (80 % du capital). Encore la nouvelle compagnie nommée Asky (African Sky) n’en est-elle qu’aux stades préliminaires, six mois après l’annonce de sa création (lire aussi p. 73). Sans doute ses dirigeants et ses actionnaires estiment-ils qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il est vrai que l’on ne devient pas un acteur solide et sérieux du transport aérien, particulièrement en Afrique subsaharienne, si l’on confond business plan avec orgueil d’additionner les destinations – fussent-elles particulièrement non rentables -, quand ce n’est pas l’acquisition d’appareils prestigieux mais coûteux à entretenir. Les avatars de bon nombre de pavillons nationaux en témoignent, même si plusieurs d’entre eux, les premiers traités ci-dessous, appliquent une stratégie nouvelle : multiplier les liaisons régionales pour s’en sortir.
AIR IVOIRE
Faire face à la concurrence
Née en 1963, Air Ivoire est devenue société d’État une décennie plus tard. En 1999, elle arrête ses activités et est liquidée dans la foulée. Adoubée par les autorités du pays, la société Nouvelle Air Ivoire prend le relais dès la mi-2002, avec, à ses commandes, Air France, actionnaire à 51 % (associée à un capital investisseur). Crise politique et divergences stratégiques obligent, Air France et son partenaire cèdent ensuite la majorité du capital à l’État ivoirien. La question du désengagement total d’Air France demeure à l’ordre du jour. Au niveau commercial, Air Ivoire a l’avantage de pouvoir s’appuyer sur l’aéroport d’Abidjan, dont la fréquentation progresse rapidement (lire p. 79) mais souffre d’une concurrence féroce.
– Capital de 5,5 millions d’euros, détenu à 51 % par l’État et à 49 % par All Africa Airways (Air France et EMP Africa).
– 41,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2007, avec 241 000 passagers transportés ; 12 destinations dont 2 hors Afrique (Paris et Marseille).
COMPAGNIE AERIENNE DU MALI
Vers l’Afrique centrale
Créée en 1962, Air Mali connaît rapidement des difficultés qui provoquent la réduction de l’activité jusqu’à sa privatisation en 1994. Après de nouveaux soubresauts, le transporteur égyptien AMC prend le contrôle d’Air Mali au tournant du millénaire avant que ses biens ne soient mis aux enchères en avril 2003. S’ensuit l’échec d’une nouvelle compagnie nationale, STA. La Compagnie aérienne du Mali est créée en 2005, avec le même actionnaire de référence qu’Air Burkina. Elle se développe depuis avril 2008 sur les liaisons régionales, notamment vers l’Afrique centrale. Une compagnie de plus sur le même modèle, mais la complémentarité avec Air Burkina, si elle peut jouer à plein, pourrait aider.
– Capital de 4,6 millions d’euros, détenu par le Fonds de développement économique de l’Aga Khan (51 %), l’État malien (20 %) et des privés maliens.
– 34 000 passagers transportés en 2007 (phase de démarrage) ; la compagnie opère aujourd’hui 14 destinations dont 1 hors Afrique (Paris), avec une flotte de 4 appareils.
MAURITANIA AIRWAYS
Tunisair aux commandes
Fondée au début des années 1960, Air Mauritanie développe ses vols internationaux dans les deux décennies suivantes. Elle est ensuite confrontée à des difficultés financières récurrentes avant que Royal Air Maroc s’engage à reprendre la majorité du capital, à la mi-2006. Sans succès. La compagnie mauritanienne est mise en liquidation judiciaire en janvier 2008. Entre-temps, en décembre 2006, Mauritania Airways est née. Opérationnelle depuis novembre 2007, elle est pilotée par Tunisair. Mauritania Airways compte acquérir en leasing un nouvel avion Airbus A320 et desservir Tunis, Brazzaville et Londres. Son modèle classique de transporteur national, régional et international mise beaucoup sur la capacité de développement de l’aéroport de Nouakchott.
– Capital de 10 millions de dollars (51 % Tunisair, 39 % Groupe privé Bouamatou, 10 % l’État).
– 40 destinations dont 2 hors Afrique (Paris et Las Palmas) ; une flotte de 2 appareils.
GABON AIRLINES
Difficile redécollage
Air Gabon aura vécu jusqu’en 2005. En situation de quasi-faillite à la suite d’une gestion laissant à désirer, elle aurait dû être remplacée par Air Gabon International, filiale à 51 % de Royal Air Maroc et à 49 % de l’État gabonais. Un projet mort-né. Créée à la mi-2006, avec l’assistance technique d’Ethiopian Airlines, Gabon Airlines a hérité des droits d’Air Gabon. Dirigée par Christian Bongo et détenue par des privés, elle réalise son premier vol, vers Paris, en avril 2007. La compagnie entend développer un réseau plus large, qui se limite pour l’instant à Libreville, Pointe-Noire, Paris et, depuis juin, Marseille.
– Capital de 7,6 millions d’euros détenu par des privés gabonais.
– 4 destinations dont 2 hors Afrique (Paris, Marseille) ; une flotte de 2 Boeing.
CAMEROON AIRLINES (CAMAIR)
Pas d’espoir à court terme
Cameroon Airlines aura vu les difficultés se multiplier ces dix dernières années jusqu’à sa liquidation définitive, en mai dernier. En 2004, l’un de ses avions est saisi pour défaut de paiement, et, l’année suivante, elle est interdite de vol en France, pourtant l’une de ses principales destinations. En 2006, la compagnie belge SN Brussels est sélectionnée pour reprendre 51 % du capital. Quelques mois plus tard, les actifs de la Camair en faillite sont transférés dans une nouvelle structure, Cameroon Airlines Co. La reprise par SN Brussels s’en trouve remise en question alors que la compagnie doit énormément à ses créanciers.
TOUMAÏ AIR TCHAD
Un positionnement original
Privé de compagnie nationale depuis la faillite d’Air Tchad et la fin d’Air Afrique, l’État décide de lancer un nouveau projet, Toumaï Air Tchad. La compagnie est officiellement créée en 2004, avec un premier vol en octobre. Air France, initialement prévue pour partenaire, se retire du projet en raison des contraintes posées par l’État en matière de dessertes. Aujourd’hui, Toumaï Air Tchad a l’originalité, tout en desservant les principales capitales régionales, d’avoir privilégié à l’international des destinations plus originales que Paris : Dubaï notamment.
– Capital de 2,3 millions d’euros, détenu par l’État tchadien (40 %), l’Asecna (10 %) et différents groupes privés camerounais et tchadiens (50 %).
– 9 destinations desservies par 3 appareils.
AIR SENEGAL INTERNATIONAL
Fin des liaisons tumultueuses avec Royal Air Maroc ?
Propriété à 51 % de Royal Air Maroc (gestionnaire) et à 49 % du gouvernement du Sénégal, Air Sénégal International naît en novembre 2000 et se lance dans les airs en février 2001. Elle multiplie les succès. Mais au prix d’un déficit colossal : fin 2006, la compagnie enregistre 18 millions d’euros de pertes cumulées, soit près du double de son capital. Fin 2007, l’État annonce sa décision de prendre la majorité du capital, la RAM passant à 25 %. En avril, c’est de trouver un nouveau partenaire stratégique qu’il est question. Et voilà qu’à la fin de juillet, les deux partenaires semblent revenus sur la voie de la réconciliation.
– Capital de 11 millions d’euros (Royal Air Maroc à 51 %, l’État sénégalais à 49 %).
– Chiffre d’affaires de 180 millions de dollars en 2007, avec 520 000 passagers transportés sur 33 destinations.
AIR BURKINA
Lourdement déficitaire
Créée à l’indépendance du pays, Air Volta a connu le destin de beaucoup d’autres compagnies de la région. Privatisée, elle est reprise en 2001 par le Fonds de développement économique de l’Aga Khan et mise désormais l’essentiel de son développement sur le trafic régional. Structurellement déficitaire, en raison de l’exploitation de plusieurs lignes non rentables, elle a la chance d’être soutenue par un actionnaire de long terme. Elle devrait jouer de plus en plus la complémentarité avec la Compagnie aérienne du Mali, avec qui elle partage le même actionnaire et un réseau comparable.
– Chiffre d’affaires de 18 millions d’euros en 2006, pour une perte nette de 6,5 millions d’euros, à comparer avec un capital de 5,3 millions d’euros, détenu majoritairement par le Fonds de développement économique de l’Aga Khan.
– Air Burkina a transporté 110 000 passagers l’année dernière avec 4 appareils sur 10 destinations dont 1 hors Afrique (Paris).
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