L’heure des grandes manœuvres

Tandis que les champions africains de l’or et du diamant connaissent un tassement de leur activité, une nouvelle génération de pays miniers monte en puissance, comme la Côte d’Ivoire, la Guinée, la RD Congo ou encore Madagascar.

Publié le 12 décembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Mines: Premières places mondiales à saisir
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Mines: Premières places mondiales à saisir

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Malgré son immense potentiel minier, évalué à 30 % des réserves mondiales, l’Afrique occupe une position encore marginale sur la scène internationale. Elle affiche des parts de la production mondiale inférieures à 10 % de plusieurs minerais, comme le fer (4 %), le cuivre (5 %) ou encore la bauxite (9 %). Autant de matières premières très recherchées par les nouvelles puissances économiques que sont la Chine et l’Inde pour alimenter leurs formidables croissances économiques. Déjà très présente dans l’extraction, notamment dans le cuivre en Zambie (63 % de la production africaine), la Chine a depuis deux ans considérablement élargi sa sphère d’influence, usant de sa puissance financière, mélange d’investissements directs par ses entreprises publiques et d’aides conditionnées. L’Inde devient également un partenaire de poids aux côtés de plusieurs pays africains. Avec des moyens moindres, le Japon ne cache pas non plus son intérêt pour le continent. Il a notamment ouvert à la fin de juillet une ambassade au Botswana, ce qui devrait inciter ses ressortissants à rechercher de nouvelles ressources de platine ou de cobalt, des matériaux extrêmement demandés par ses industriels.
Parallèlement, les productions traditionnelles africaines donnent des signes de faiblesse. C’est notamment le cas de l’or. Les quantités extraites en Afrique, soit 21 % du total mondial, ne devraient pas sensiblement changer dans les années qui viennent, la production sud-africaine se tassant. Le diamant connaît le même sort après la montée en puissance du Botswana et de la RD Congo, qui se partagent désormais les deux tiers du total africain (46 % du total mondial). Dans certains pays, la situation s’est aggravée. Le Sénégal n’a pas su profiter du boom des phosphates et sa production s’est effondrée (lire aussi p. 138). Au Mali, la filière aurifère s’est d’abord fortement développée, plaçant le pays au rang de troisième producteur africain. Mais l’État, après avoir accordé près de 200 permis en cinq ans, espérant susciter de nouvelles découvertes, ne peut qu’afficher sa déception. L’extraction devrait tomber de 52,7 tonnes en 2007 à 35 tonnes en 2012.
À l’inverse, plusieurs pays africains ont renforcé leurs positions sur la scène internationale et quelques-uns y font même leurs premiers pas. Des pas de géant dans le cas de Madagascar, où des découvertes importantes de titane, de cobalt, de nickel et même de bauxite ont été faites. Si la multinationale Rio Tinto est impliquée dans le titane, c’est un consortium associant canadiens, japonais et sud-coréens qui se charge du nickel. Avec 60 000 tonnes extraites chaque année, la Grande Île devrait se hisser directement à la première place des producteurs africains de nickel dès 2009, détrônant l’Afrique du Sud et le Botswana. Autre matière première très recherchée, l’uranium pourrait bientôt faire les beaux jours du Malawi. Ce sont aujourd’hui le Niger et la Namibie qui se partagent 90 % de la production africaine (lire aussi p. 140). Exploitée par l’australien Paladin Resources, la mine de Kayelekera, au nord du Malawi, pourrait produire 1 500 tonnes par an dès l’année prochaine. La Gambie et la Mauritanie disposeraient également de réserves importantes de ce minerai surnommé yellow cake, mais elles restent à confirmer.

Le prix du fer en hausse de 50 % cette année

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Le fer africain est également l’objet de toutes les attentions. La production mondiale d’acier progresse de 8,6 % en rythme annuel, tandis que les sites traditionnels, notamment au Brésil et en Australie, ne parviennent pas à fournir. Ce décalage s’est traduit dans les cours mondiaux par une hausse très importante cette année. Elle pourrait atteindre 50 % sur l’ensemble de 2008 et être suivie par des augmentations de 5 % à 10 % par an jusqu’en 2013. À cette échéance, les sites géants de Nimba et Simandou, en Guinée, devraient être entrés en opération, fournissant près de 5 % de la production mondiale actuelle (2 millions de tonnes). La Côte d’Ivoire figurera également parmi les producteurs de fer, soutenue par Tata Steel. Le groupe sidérurgique indien a signé à la fin de 2007 un protocole d’accord pour le développement du gisement du mont Nimba, avec une entrée en exploitation prévue pour 2010. Soucieux de l’indépendance de ses approvisionnements, son confrère et quasi-compatriote Arcelor Mittal s’est, pour sa part, engagé en Mauritanie, déjà 13e producteur de fer au monde, ainsi qu’au Sénégal. Dans ce pays, le groupe indo-européen a décroché des concessions dans la région de Falémé (extrême Sud-Est), d’où il compte exporter du minerai de fer dès 2012, une fois qu’une voie ferrée et un port le lui permettront.
La RD Congo se réconcilie quant à elle progressivement avec les majors internationales. Ce pays à l’immense potentiel géologique attire désormais massivement les investisseurs miniers. Les difficultés qu’il a traversées ont laissé le secteur du cuivre à l’abandon, avec une production divisée par plus de dix. Mais la copper belt (« ceinture de cuivre ») du Katanga, où se trouvent 10 % des réserves mondiales de cuivre et un tiers de celles de cobalt, devrait marquer rapidement la renaissance du secteur minier congolais. La Chine est en première ligne dans le pays, qui a échangé un soutien financier contre l’assurance de se voir délivrer des minerais. En Guinée, Conakry a appliqué la même démarche de renégociation des contrats que Kinshasa et revient en grâce auprès de compagnies internationales de premier plan. Il n’y pas de doute que ces deux pays sont les futurs numéros un mondiaux des mines.

En attendant l’industrie minière africaine

Reste que l’essentiel de la transformation des minerais africains continue de se faire dans d’autres régions, l’Afrique du Sud faisant exception, privant les pays miniers de valeur ajoutée et de la possibilité de créer des emplois plus qualifiés et en plus grand nombre. Mais la situation évolue. Au Nord du continent, le Maroc s’apprête à donner l’exemple en développant d’importants investissements pour disposer d’usines d’engrais pour transformer le phosphate, sa première richesse minière. Au sud du Sahara, la Guinée entend réunir 3 à 5 milliards de dollars pour construire une usine d’alumine à Sangaredi, l’un de ses principaux gisements de bauxite. La RD Congo a lancé un pari similaire. L’approche à « court terme », qui consiste à exploiter des gisements jusqu’à épuisement sans en tirer d’autres ressources que des devises, tendrait donc à disparaître. Bonne nouvelle pour l’industrie minière africaine.

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