Peintres en portraits croisés

Kadimina et Dinga ont deux styles bien différents et nombre de points communs. Même port d’attache : Pointe-Noire. Mêmes couleurs dominantes : l’ocre et le rouge. Et même popularité.

Publié le 12 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Pétrole, rumba et démocratie
Issu du dossier

Pétrole, rumba et démocratie

Sommaire

Lors de la Semaine picturale congolaise, qui s’est tenue du 9 au 15 juin au Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, ils ont fait l’unanimité. Et tous les visiteurs de saluer le talent d’Eliezer Dinga et de Nicaise Kadimina. Chacun dans leur style bien particulier. Dinga donne dans l’abstrait, Kadimina dans le figuratif. Mais ils ont en commun de résider à Pointe-Noire et de privilégier les couleurs chaudes, qui rappellent la chaleur de l’Afrique ainsi que la violence des rues et des mots née des conflits qu’a connus leur pays.
Tous deux ont également suivi une formation à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa. Nicaise Kadimina, parce que ses parents s’étaient installés dans la capitale de la République démocratique du Congo peu après sa naissance, il y a une trentaine d’années. C’est donc à Kin qu’il a fait ses classes et que, à sa sortie de la section publicité des Beaux-Arts, il a travaillé au sein de l’agence de publicité Plexi Light. « Je peignais des panneaux publicitaires et faisais de la décoration », explique-t-il. Tout en explorant ses talents d’artiste. Car le dessin et la peinture, dont il a appris les bases lors de ses études, l’attirent depuis longtemps. En 2003, il décide de s’installer à Pointe-Noire, où il ouvre Delta Pub, une agence de publicité qui compte quelques gros clients, dont la société de téléphonie MTN, la compagnie ferroviaire CFAO et Air Gabon. C’est là qu’il fera la connaissance d’Eliezer.
Né en 1963 à Lomé (Togo), d’une mère togolaise et d’un père congolais, Eliezer a grandi à Brazzaville avant de s’établir à Pointe-Noire en 1997. « À cause de la guerre, explique-t-il, parce que cette ville est plus ouverte sur l’art et compte pas mal d’expatriés, qui figurent parmi mes principaux clients. » Il a baigné dans la peinture dès sa tendre enfance. Son père, Hilarion Dinga, est en effet l’un des grands talents de la deuxième génération des peintres congolais. Eliezer apprend la sculpture à l’école des beaux-arts de Bacongo entre 1981 et 1986, avant de rejoindre, lui aussi, l’Académie des beaux-arts de Kinshasa, section sculpture, sous l’égide du célèbre maître Liyolo, sculpteur zaïrois. Un autre de ses maîtres sera le sculpteur Makala Mbuta. De retour à Brazzaville, il donne des cours de peinture et de dessin dans des écoles privées, tout en faisant un peu de sculpture sur bois, sur bronze, ainsi que des modelages en plâtre et en ciment. Bientôt, la passion de peindre le gagne. Il organise sa première exposition à Brazzaville en 1993. Divers ateliers et conférences le conduisent au Togo, au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Allemagne, où il trouvera son style. « À cheval entre l’art rupestre et l’art moderne », précise-t-il. Il dit avoir été impressionné par les dessins des grottes du Tassili (en Algérie) et par deux grandes pointures de la peinture européenne : Salvador Dalí et Picasso. Il puise aussi son inspiration dans les civilisations anciennes et la culture tékée, l’ethnie de son père. D’où la place qu’il accorde à la gémellité, au lézard (« symbole de l’homme dans son entité la plus forte »), aux masques, aux dessins et aux tatouages tékés. Pour peindre ses toiles – qui ont un aspect volontairement vieilli, comme pour souligner la patine du temps -, il utilise le rouge, couleur sacrée des Tékés, l’ocre et l’orange, ainsi que « le noir et le blanc pour “nuancer” ». Ses thèmes : l’amour, l’union, la justice, la fécondité et la puissance. Il travaille aussi sur des supports variés : sacs de jute, peaux de serpents, cordes et papiers mâchés, « ce qui permet le relief ».

Objectif : l’international

la suite après cette publicité

Kadimina est plus classique. Mais sa peinture, où dominent les tons ocre et rouges, n’en est pas moins forte. Ses sources d’inspiration sont les scènes du quotidien, plus particulièrement celui des enfants en situation difficile, dont il traduit la souffrance avec émotion. Parmi ses toiles connues figurent Le Repos des enfants dans un camp de réfugiés et La Solitude. Des tableaux marqués par la violence qui a touché les deux rives du fleuve Congo.
Dans leurs ateliers respectifs, l’un et l’autre s’emploient activement à former la jeunesse à la peinture, à la sculpture et au dessin. Nicaise projette, avec la compagnie pétrolière Chevron, de créer une association pour former les enfants de la rue à la peinture. Il souhaite aussi y initier de jeunes sourds-muets. Toujours en quête d’occasions d’échanger, les deux artistes veulent participer à des ateliers, améliorer leur technique artistique, innover et multiplier les expositions en Afrique, en Europe et aux États-Unis. Kadimina a déjà plusieurs expositions à son actif, à Pointe-Noire et à Brazzaville. Dinga a une petite longueur d’avance à l’étranger : il a exposé dans différents pays africains, mais aussi à Marly-le-Roi, près de Paris, lors d’une université d’été, et dans une mairie d’arrondissement de Paris.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

Brazzaville, la belle d’antan