Gilbert Gatore
Écrivain rwandais
Une démocratie à part
Jeune Afrique : Alors que le témoignage reste le genre dominant pour raconter le génocide rwandais, pourquoi avez-vous fait le choix de la fiction ?
Gilbert Gatore : J’avais été très frappé par une des personnes qu’interroge Hatzfeld dans l’un de ses récits. Elle lui dit que même s’il continuait à l’interviewer jusqu’à la fin de sa vie, elle ne pourra jamais réussir à lui dire tout ce qu’elle a vécu. Cela m’a conforté dans l’idée que le témoignage ne peut épuiser toute la vérité, qui doit être parfois inventée. L’imagination du romancier peut paradoxalement mieux restituer la vérité du vécu que le témoignage. Enfin, une autre vertu de la fiction est qu’elle permet aux gens de s’approprier le récit, alors que le témoignage ne peut être dissocié du témoin.
Votre famille a quitté le Rwanda en 1994. Quel âge aviez-vous ?
J’avais 12 ans. Les images du génocide, je les ai vues une fois arrivé ici, en regardant des reportages à la télévision. Quand on est dans ce genre d’événement, on ne voit que ce à quoi on est exposé. On n’a pas cette vision générale et globale qu’on peut avoir à travers les médias.
Est-ce que dans vos prochains livres vous allez pouvoir traiter d’autres thèmes ?
Je ne veux pas me confiner à un seul thème, mais je pense que le génocide est une expérience qui ne passe pas, qui reste à jamais devant soi. D’avoir connu les horreurs de l’extermination a fait naître en moi des interrogations fondamentales sur l’humain, sur l’identité, sur l’écriture qui se déclineront dans tout ce que j’écrirai. Comment un génocide est-il possible ? Est-ce que l’écriture sert à quelque chose ? J’ai parfois l’impression qu’écrire est d’une futilité absolue !
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