La voix des femmes
Le Parlement rwandais est celui, au monde, où la gent féminine détient le plus de sièges. Avantages et inconvénients de la parité imposée.
Une démocratie à part
En matière d’accès des femmes à des postes de prise de décisions, le Rwanda est en tête des rares pays à avoir obtenu des résultats satisfaisants. Dans la législature qui s’achève, 48,8 % des députés, soit 39 sur 80, sont des femmes : la Constitution prévoit 24 sièges réservés aux femmes à la Chambre des députés (désignées par des organes spécifiques en fonction des entités administratives du pays), et 15 ont été élues au suffrage universel direct. L’objectif est d’atteindre les 50 % de femmes au sein du Parlement qui sortira des législatives du 15 septembre. Scrutin pour lequel plus de 30 candidates ont été investies par leur parti, indiquait le 19 août le secrétaire exécutif de la Commission électorale nationale, Charles Munyaneza.
Il a fallu au Rwanda une réelle volonté politique et une profonde évolution des mentalités pour concrétiser cet idéal d’intégrer au moins 30 % de femmes dans les institutions nationales. Quand ils évoquent leurs traditions, les plus vieux des Rwandais rappellent qu’à leur époque une femme n’était pas autorisée à s’exprimer dans une assemblée d’hommes. Seule possibilité : passer par un intermédiaire, qui pouvait être son père, son frère ou son mari. Jusque dans les années 1960, rares sont les filles à avoir fréquenté les mêmes écoles que les garçons. La plupart d’entre elles avaient un destin tout tracé : devenir religieuses ou institutrices, à l’issue d’une formation plus que sommaire.
La situation a commencé à changer dans les années qui ont suivi la tragédie de 1994. Les partis politiques, jusqu’alors l’apanage des hommes, se sont intéressés aux quelques femmes cadres que comptait le pays. Le processus de promotion de la gent féminine se poursuit pendant la transition et devient contraignant dans la Constitution adoptée par référendum en 2003. Pourtant, rien n’a été facile, à commencer par l’attitude des Rwandaises elles-mêmes. Marie Mukantabana, l’actuelle vice-présidente FPR du Sénat (voir portrait ci-dessous), était à l’époque ministre du Genre et de la Condition de la femme. Elle se souvient : « Il fallait absolument convaincre les femmes de se présenter au scrutin de 2003, d’oser être candidates. Elles hésitaient et avaient peur d’elles-mêmes. Même aujourd’hui, il y en a qui hésitent encore. Il faut continuer à les pousser. » En se propulsant sur la scène politique, les femmes devaient relever plusieurs défis, dont le plus important reste celui de la compétence. C’est pourquoi nombre d’entre elles ont décidé d’améliorer leur formation. Beaucoup travaillent la journée et suivent des cours le soir dans les universités et instituts supérieurs du pays.
Mais le chemin à parcourir est encore long, comme le souligne Marie Mukantabana : « Même si nous sommes dans des instances de prise de décisions, n’oublions pas que la majorité des femmes rwandaises appartiennent au milieu rural. Elles sont pauvres et luttent pour la survie. Il faut des moyens pour les aider. C’est un défi. » Cela dit, ces dames peuvent toujours s’enorgueillir d’avoir leur mot à dire au sein des formations politiques. L’Union démocratique du peuple rwandais (UDPR) et le Parti du progrès et de la concorde (PPC) sont dirigés par des femmes. Cinq femmes sont vice-présidentes de parti, deux secrétaires générales. « Tout cela est mérité, précise Sylvie Zaïnabo Kayitesi, présidente de la Commission nationale des droits de la personne. Elles sont désignées en fonction de leurs compétences. »
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