La démocratie en marche ?

Pour les premières législatives organisées depuis seize ans, les électeurs se sont mobilisés. Un test crucial passé avec succès par le chef de l’État et le parti au pouvoir.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 5 minutes.

A pas de géant
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« Le 5 septembre, c’est l’élan démocratique qui a triomphé ! » s’exclame Céleste, étudiante en droit à l’Université catholique d’Angola (UCA), à Luanda. Un élan libéré en 2002 par la fin de la guerre civile et qui se concrétise enfin avec la tenue de ces élections législatives maintes fois reportées. Pour Céleste, le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA, au pouvoir depuis 1975) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita, opposition) « ont eu tout le temps pour se transformer en partis politiques ».

Un pays phare du continent

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Grand comme deux fois la France, situé à la charnière de l’Afrique centrale francophone et de l’Afrique australe anglophone (frontalier des deux Congos, de la Zambie et de la Namibie), l’Angola est le septième pays du continent par sa superficie. Ancienne colonie portugaise, il est le troisième pays lusophone par sa population (après le Brésil et le Mozambique). Ses terres, parmi les plus fertiles du continent, et ses fabuleuses richesses minières (notamment pétrole et diamants, qui ont été l’une des raisons de la durée de la guerre civile postcoloniale) expliquent son dynamisme économique actuel (voir p. 70).
De 1964 (date du début de la guerre pour l’indépendance, proclamée en 1975) à 2002, l’Angola n’a connu la paix qu’à de rares intervalles. En 1992, l’Unita n’avait pas accepté le résultat de la présidentielle et des législatives, entachées de soupçons de fraudes, et avait repris les armes. Mais aujourd’hui, le contexte est différent.

Des élections jugées impartiales et crédibles

En réussissant sa première consultation démocratique dans un contexte politique pacifié, le pays fait un pas déterminant pour sa stabilité. Les résultats, partiels à l’heure où nous mettons sous presse, donnent le MPLA grand vainqueur, avec plus de 81 % des suffrages exprimés. De 129 sièges sur 220 à l’Assemblée nationale avant le scrutin, le parti au pouvoir aura donc désormais une majorité des deux tiers, qui lui permettra de faire adopter une Constitution définitive, institutionnalisant le caractère présidentiel du régime. De son côté, l’Unita ne recueille que 10 % des voix. Un résultat apparemment sans appel. Mais non exempt de quelques accrocs.
À Luanda, qui compte près d’un tiers des 8,3 millions d’électeurs du pays, des problèmes d’organisation ont eu lieu dans environ 10 % des bureaux de vote : files interminables, retards du personnel et du matériel électoral… Et le scrutin a dû être prolongé d’une journée. Tout en pointant ces incidents, les observateurs de l’Union européenne et ceux de l’Union africaine ont qualifié les élections d’« impartiales et crédibles », la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et celle des pays de langue portugaise (CPLP) les jugeant « pacifiques et transparentes ».
Isaias Samakuva, président de l’Unita, a, dans un premier temps, déploré leur « manque de crédibilité ». Avec quelques autres des 14 partis et coalitions en présence, il a demandé un nouveau vote dans les bureaux où il y avait eu des difficultés. Une requête aussitôt rejetée par Caetano de Sousa, président de la Commission nationale électorale (CNE). Et, dès le 8 septembre, l’Unita a pris acte de sa défaite et annoncé qu’elle ne contesterait pas les résultats définitifs du scrutin. « Est-ce que nous avons vraiment le choix ? Pouvons-nous descendre dans la rue ? » demande avec fatalité Alcides Sakala, l’ancien président du groupe parlementaire de l’Unita.
De son côté, le MPLA ne se montre pas surpris du recul de son ennemi d’hier. « Politiquement, l’Unita paie le prix de tous les crimes qu’elle a commis pendant la guerre », affirme Rui Pinto de Andrade, directeur du département de l’information et de la propagande du MPLA. « L’Unita n’a pas su modifier son image de parti issu de la campagne, alors que la population angolaise, elle, est majoritairement urbaine », analyse Lopo do Nascimento, député MPLA et ancien Premier ministre, qui avait violemment critiqué l’arrogance de son propre parti en 2005. « Le rival de Samakuva à la tête de l’Unita, le député Abel Chivukuvuku, aurait pu transformer plus rapidement l’Unita en un grand parti moderne », continue-t-il.
De fait, les résultats décevants de l’Unita devraient amener une remise en cause de la stratégie de Samakuva dans les prochains mois. Confirmé en 2007 à la présidence du parti du Coq noir (symbole de l’Unita) par les délégués des hauts plateaux et du centre du pays, le leader de l’Unita n’a pas réussi à incarner avec suffisamment de force le changement espéré par de nombreux électeurs.

L’Unita et le fantôme de Savimbi

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Une faiblesse qui s’explique peut-être par le difficile renouvellement des cadres de l’Unita depuis la mort au combat de son fondateur, Jonas Savimbi, en 2002 – et celle de nombre de ses « frères ». La plupart des figures qui ont marqué la campagne électorale de 2008 n’ont vraiment émergé que depuis peu. Au début des années 1990, Isaias Samakuva, son président actuel, gérait à Londres les représentations extérieures du parti. Son rival à la tête de l’Unita, Abel Chivukuvuku, était à peine plus connu quand il a participé à l’organisation des élections dans la capitale angolaise en 1992. Quant à l’actuel secrétaire général du parti, Abilio Camalata Numa, il avait un rôle essentiellement militaire. Parmi les personnalités aujourd’hui en vue au sein de l’Unita, on compte aussi Alcides Sakala (ancien président du groupe parlementaire de l’Unita) et Adalberto da Costa Junior (secrétaire de l’information du parti), qui, pendant la guerre, étaient tous deux délégués en Europe. Tout ce petit monde devrait désormais prendre une part active dans la délicate question du leadership de l’Unita. Pour le moment, l’unique référence de l’Unita demeure… le fantôme de Savimbi. Beaucoup d’électeurs ont donc largement associé l’Unita à la guerre civile et voté pour le MPLA. Auquel ils demandent davantage de changements dans le domaine social et un meilleur partage des richesses.

L’impératif social

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Malgré les progrès réalisés depuis 2003 dans la reconstruction du pays (voir p. 70), le vrai défi des autorités reste l’amélioration des conditions de vie de sa population, qui continue à concentrer les indicateurs les plus faibles du point de vue de l’espérance de vie, de l’éducation et de la richesse : les deux tiers des Angolais vivant en dessous du seuil de pauvreté (avec moins de 2 dollars par jour). Alors que Luanda se modernise et se reconstruit, les prix de l’immobilier s’envolent et les musseques (bidonvilles) grossissent dans les quartiers périphériques.
La lutte contre l’affairisme et la corruption est un autre chantier de taille pour le gouvernement, qui déploie de réels efforts de transparence dans sa gouvernance. « Le MPLA n’a de toute façon pas le choix, commente le révérend Luis Nguimbi, qui préside le puissant Conseil des Églises chrétiennes d’Angola. L’opposition va s’organiser et se renforcer, surtout si rien n’est fait au niveau social. Au Zimbabwe, Mugabe aussi croyait tenir son opposition ! La balle est désormais dans le camp du MPLA, qui n’a plus d’excuse, conclut-il, pour ne pas réussir à améliorer les conditions de vie des Angolais. »

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