Abdoulaye Bio-Tchané

Président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), après avoir été directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI) pendant six ans, il est convaincu que le continent n’échappera pas au ralentissement.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Crise financière: Pourquoi l’Afrique est menacée
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Crise financière: Pourquoi l’Afrique est menacée

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Jeune Afrique : La crise aura-t-elle des conséquences sur la zone franc ?
Abdoulaye Bio-Tchané : L’onde de choc n’épargnera pas l’Afrique, y compris les pays de la zone franc. Les indices des Bourses comme la BVRM devraient connaître une baisse dans les semaines à venir. Une récession en Occident entraînerait, par ailleurs, un recul du PIB et certainement une baisse de l’aide des pays donateurs. Ces mauvaises nouvelles interviennent alors que la zone franc doit faire face à la flambée des cours du carburant – bien que bénéfique pour les exportateurs de pétrole – et des produits alimentaires. Heureusement, les gouvernements ont bien réagi et multiplié les initiatives. Et comme les pluies ont été assez abondantes et bien réparties géographiquement, sauf catastrophe, les céréales devraient être disponibles à des prix moins douloureux pour les ménagères.

Cela devrait donc conduire à une baisse de l’inflation…
Il est difficile de s’aventurer à faire des pronostics sur l’évolution du cours du baril. Mais il est sûr que, s’il y a récession économique, la consommation mondiale va se contracter. L’inflation pourrait alors baisser de deux à trois points dans les pays de la zone franc.

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Les projets immobiliers, les prêts à la consommation et aux entreprises seront-ils affectés ?
La demande immobilière est très forte en raison du sous-équipement dans les grandes villes. A priori, il n’y a donc pas de raison de s’alarmer. Même chose pour les prêts à la consommation et aux entreprises. Les attentes ne sont pas satisfaites et les banques ont de grandes liquidités. Reste à savoir si les nombreuses filiales d’établissements occidentaux seront d’accord pour s’engager alors que leurs maisons mères rechignent à se prêter de l’argent entre elles sur le marché monétaire. Si cette frilosité se propage à l’Afrique, toutes les opérations de crédits pourraient être affectées.

Les exportations vont-elles pâtir de la crise ?
Dans l’immédiat, les exportations (pétrole, coton, cacao, hévéa, huile de palme) ne seront pas touchées. La demande en Asie reste forte. À moyen terme… tout dépendra du degré de ralentissement de l’économie mondiale.

N’est-ce pas le moment de conseiller de développer les marchés régionaux ?
Les Africains ont tout à gagner à développer leurs marchés régionaux et leur production de céréales. Mais il ne faut pas se voiler la face : la demande d’huile de palme, par exemple, n’est pas très extensible. Les Africains ont donc tout intérêt à chercher la croissance sur les marchés internationaux.

Est-ce la fin de la politique ultralibérale des institutions de Bretton Woods ?
Certains économistes africains considèrent que les derniers événements constituent une remise en cause du dogme ultralibéral. Il faut avoir une position plus nuancée et faire preuve de pragmatisme. La vérité n’est ni dans le tout-libéral ni dans le tout-national. Dans les années 1990, la réforme ivoirienne du secteur de l’énergie, avec l’ouverture au privé, a été bien menée. Celle du cacao au Ghana, où les exportations restent sous la tutelle d’une structure publique, la Cocobod, est également un succès. Pour le coton, les gouvernements doivent faire le choix de l’efficacité. La crise actuelle montre l’échec de l’autorégulation et la nécessité d’un contrôle plus serré par la puissance publique. Pour les Africains, ce n’est pas une découverte.

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