Libre-échange économique et protectionnisme culturel

État fédéré du Canada, le Québec mène cependant une action extérieure et de solidarité autonome. Dans la limite des prérogatives d’Ottawa. Et d’un budget forcément plus restreint.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Québec accueille la Francophonie
Issu du dossier

Québec accueille la Francophonie

Sommaire

« L’action extérieure du Québec poursuit plusieurs objectifs, explique Gaston Harvey, sous-ministre adjoint à la Francophonie au ministère des Relations internationales. L’une de nos priorités est évidemment de favoriser la croissance. Nous sommes une économie moderne, tournée vers les technologies de pointe, où les exportations représentent la moitié du produit intérieur brut et sont responsables de 30 % des emplois. Dans ces conditions, rayonner n’est pas un vain mot mais une nécessité. La contribution à l’effort de solidarité internationale est aussi l’un des principes cardinaux de notre diplomatie, même si nous ne sommes pas, à proprement parler, un grand bailleur de fonds. »
Le budget de solidarité québécois est de l’ordre d’une dizaine de millions de dollars canadiens par an (environ 6,5 millions d’euros). Un montant qui peut paraître modeste, mais qui contribue pour une part conséquente à la politique de solidarité canadienne. Cette dernière, qui s’exprime à travers l’Agence canadienne de développement international (ACDI), est en effet financée à hauteur de 25 % par des taxes et impôts collectés au Québec… Et s’il y a une constance dans la mise en œuvre de la politique internationale québécoise, c’est bien celle de tirer au mieux parti de la contribution des impôts payés par les résidents québécois au gouvernement fédéral.

Les relais d’influence

la suite après cette publicité

Les actions de coopération québécoises vont en priorité vers les pays francophones d’Afrique, du Maghreb et des Caraïbes (Haïti) et « sont orientées vers ce que nous faisons de mieux, précise le sous-ministre Harvey : la formation des ressources humaines et le renforcement des capacités de gouvernance des pays en développement ».
La participation aux instances de la Francophonie, dont le Québec est membre en tant que « gouvernement participant », constitue une autre manifestation de la politique de solidarité internationale de l’État fédéré. « Notre gouvernement considère en effet que l’Organisation internationale de la Francophonie [OIF] est une organisation Nord-Sud, poursuit Gaston Harvey, avec obligation pour ses membres de s’entraider et de partager leurs connaissances et leurs technologies. » C’est aussi un formidable relais d’influence sur la scène internationale, puisque l’OIF compte désormais en son sein près du quart des membres des Nations unies.

Du credo environnemental à l’exception culturelle

En tant que cohôte du XIIe sommet, le Québec a présidé, à tour de rôle avec le Canada, les réunions préparatoires. Il a ainsi pu modeler l’ordre du jour et, notamment, obtenir l’inscription du thème de l’environnement. Un combat mené avec l’aide de la France et dont l’enjeu n’était pas mince. Les vastes étendues de forêts, de taïga et de toundra de la province se partagent plus d’un million de lacs et des milliers de rivières, sans compter les 1 200 kilomètres du mythique fleuve Saint-Laurent. Immense réservoir, le Québec représente 3 % des réserves mondiales d’eau douce et est grand producteur et exportateur ­d’hydroélectricité. Avec un chiffre d’affaires de 12,33 milliards de dollars canadiens (plus de 8,2 milliards d’euros) en 2007, Hydro-Québec est l’un des géants mondiaux du secteur… et garde d’ailleurs un œil sur les marchés africains, où il est déjà bien implanté, par exemple au Maroc.
Cela étant, au-delà des considérations environnementalo-économiques, le combat prioritaire du Canada et de ses États francophones au sein de l’OIF reste, évidemment, la défense de la langue française. Une question particulièrement sensible ici, sur ce continent où quelque 7 millions de Canadiens francophones sont noyés dans un bassin de 320 millions d’anglophones. En l’occurrence, les Québécois ont adopté une approche résolument originale pour préserver leur identité : la conjugaison du libre-échangisme économique et d’une forme de « protectionnisme » linguistique. Ainsi, en 1992, le gouvernement québécois a fait pencher la balance en faveur de la signature de l’Alena, l’Accord de libre-échange nord-américain, mais a su se montrer intransigeant dès que sa sécurité identitaire et culturelle, portée par la langue française, était menacée.
Jusqu’à présent, cette stratégie a plutôt été couronnée de succès. Et a permis de faire de la Belle Province un exemple à la fois singulier et remarquable en francophonie : celui d’une société moderne, adossée à l’économie du savoir, tolérante et diverse, qui vit en français.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

Un modèle de sélection