Une presse pluraliste en quête de statut
Le paysage médiatique du pays est l’un des plus diversifiés et dynamiques d’Afrique. Les journalistes n’ont cependant pas encore réussi à se doter d’une convention collective.
Mobilisation contre la vie chère
Une trentaine de quotidiens, hebdomadaires et mensuels, une centaine de radios, plusieurs chaînes de télévision publiques et privées… Alors que le Burkina s’apprête à commémorer la disparition, en décembre 1998, du journaliste Norbert Zongo, ce meurtre n’a fait taire ni les plumes ni les langues. Dix ans après, « les espaces de paroles restent très nombreux. Chacun veut s’exprimer sous “l’arbre national à palabres” », remarque un diplomate. C’est aussi l’avis de nombreux professionnels, qui, tout en admettant que certaines investigations ont des limites, reconnaissent l’existence d’une vraie liberté d’informer dans le pays. Voire davantage. « Il nous est possible de caricaturer ou d’aborder tous les sujets sans être inquiétés ou poursuivis. Aucun journaliste n’est emprisonné au Burkina. La seule obligation est d’être responsable de ce que l’on dit et être prêt à l’assumer », explique Seydou Dramé, spécialiste en droit de l’information. En témoignent les éditoriaux au vitriol, notamment ceux du rédacteur en chef du bimensuel L’Événement, Newton Ahmed Barry. « Nous n’avons aucune pression, mais la mort de Zongo a un peu fait bouger le curseur, tempère toutefois Théodore Zoungrana, journaliste à L’Hebdo du Burkina. Et il n’est pas dit qu’aujourd’hui on puisse aller aussi loin que Zongo. »
Tous les courants et genres ont libre cours
De la presse nationale (Sidwaya, L’Observateur, Le Pays…) à celle d’opinion ou d’opposition (San Finna, Bendré, L’Indépendant, L’Événement…) en passant par la presse satirique, dont le fameux Journal du Jeudi (JJ) de Boubacar Diallo et du caricaturiste Damien Glez, tous les courants et les genres sont représentés. « Le spectre des médias est très large, confirme Édouard Ouédraogo, fondateur du quotidien L’Observateur Paalga et doyen des patrons de presse. Il permet de se forger un véritable esprit critique. »
Comment expliquer un tel dynamisme ? Il tient d’abord à la qualité des journalistes, comme en témoigne les nombreux prix internationaux reçus par Ramata Soré, du quotidien L’Indépendant, deuxième du prix Albert-Londres 2008 dans la catégorie presse écrite.
Cette vigueur tient aussi à la législation. Depuis la loi de décembre 1993, qui régit le secteur, la création d’un journal au Burkina ne nécessite en effet aucune autorisation préalable. Les titres de presse écrite sont créés sous le régime de la simple association. « Des autorisations sont nécessaires seulement lorsqu’il s’agit de créer une radio ou une chaîne de télévision, puisque c’est l’État qui répartit les fréquences », explique Jean-Baptiste Ilboudo, directeur du développement des médias au ministère de la Communication. Ici, donc, les problèmes des journaux sont davantage financiers que politiques. Conscient de leur fragilité économique, l’État verse chaque année, pour les aider, quelque 250 millions de F CFA (381 000 euros) à 45 organes de presse. Ce qui contribue à favoriser le pluralisme.
Enfin – c’est le débat du moment -, reste à doter les journalistes d’un vrai statut. L’État, en concertation avec les parties concernées, a rédigé une convention collective pour régir les rapports entre employeurs et journalistes, tout en introduisant un certain nombre de changements, à commencer par la création d’une carte de presse. « Le texte est prêt à être signé. Il a été approuvé en mai dernier. Mais, depuis, plus rien », explique Jean-Baptiste Ilboudo. Selon lui, ce blocage vient de la frilosité de certains propriétaires de journaux à reconnaître un statut qui, pour eux, engendrerait un coût. Les négociations se poursuivent.
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