Changement de modes
Mobilisation contre la vie chère
« Le gouvernement doit réagir davantage, ce n’est plus possible ! » Habitués aux épreuves et aux conditions climatiques souvent rudes, les Burkinabè ont un sens inné de l’adaptation. Mais pour Boris Edson Yaméogo, secrétaire général de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), la coupe est pleine. Au bureau de la principale association de défense des consommateurs, face au ciné Burkina, dans le centre de Ouagadougou, on sait mieux que quiconque – à l’exception des consommateurs eux-mêmes – de quoi le quotidien est fait. « Le coût de la vie s’envole et les salaires ne bougent pas. Ils auraient dû doubler depuis 2007 », souligne pour sa part Marcel Kouraogo, le secrétaire permanent de la Ligue, qui souhaite l’instauration d’observatoires des prix à travers tout le pays.
En attendant une hypothétique révision à la hausse de leurs émoluments, les Burkinabè encaissent le choc et se voient contraints, bien malgré eux, de repenser leurs modes de consommation. Le gaspillage est un luxe qui n’a plus court. Chacun achète selon ses besoins et ne consomme que le nécessaire. Parmi les dépenses scrupuleusement calculées, l’essence, qui est la priorité de la plupart des ménages. « J’essaie de limiter l’utilisation de mon véhicule, mais il m’est indispensable », explique Justine Ouédraogo, étudiante à l’Université de Ouagadougou. Faute de transports en commun, le recours à une voiture ou à un deux-roues est incontournable. Mais les déplacements sont désormais mûrement réfléchis, voire strictement limités.
On se serre la ceinture… et les restaurants trinquent
Alors que le gouvernement étudie plusieurs mesures pour réduire la facture pétrolière, parmi lesquelles la journée de travail continue, la situation est critique pour certaines catégories. En particulier les transporteurs et les chauffeurs de taxi. Pour ces derniers, plus question de faire le plein. Ils remplissent leurs réservoirs au fur et à mesure des courses.
Même cas de figure pour l’alimentation. Traditionnellement vendu par sacs de plusieurs kilos, le riz est désormais distribué au détail. À la tasse… Cependant – à quelque chose malheur est bon -, on redécouvre l’intérêt des productions locales. « Ce qui est importé est inabordable, alors je privilégie les produits burkinabè », explique Fati Gonkoungou, employée de banque et mère de quatre enfants. Ainsi, de nombreux Burkinabè, qui avaient diversifié leur alimentation, redécouvrent le bon vieux tô, plat national confectionné à partir de farine de mil. Et si la viande se fait plus rare, la consommation de fonio (céréale utilisée dans de nombreuses recettes : bouillie, boulettes, beignets, pain…) ou de niébé (haricot à la saveur légèrement sucrée) explose.
En l’occurrence, c’est le secteur de la restauration et celui des loisirs qui souffrent le plus de la conjoncture. Les restaurants sont moins fréquentés et l’affluence dans les boîtes de nuit n’est plus la même. Même les maquis (bars-dancings) n’échappent pas à la morosité ambiante : « Si ça continue, ici, le poulet coûtera aussi cher que dans un restaurant climatisé… », peste un restaurateur. Et le politique n’est jamais loin. « Le président Sankara avait raison de vouloir développer l’agriculture locale. On n’en serait pas là. »
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Mobilisation contre la vie chère
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