Tertius Zongo : « Il faut oser les réformes »

Nommé à la primature en juin 2007, l’ancien ministre de l’Économie a affronté les émeutes sociales en début d’année, celles des universités en juin… Sans perdre le cap qu’il s’est fixé, ni se départir de son franc-parler.

Publié le 11 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Mobilisation contre la vie chère
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Jeune Afrique : La situation sur le front des prix est-elle résorbée ?
Tertius Zongo : Des actions comme la suppression des taxes à l’importation sur certains produits ont été engagées dès le mois de février. Il s’agissait d’atténuer la flambée des prix des denrées de première nécessité tout en assurant leur disponibilité. Ces avantages ont été maintenus jusqu’au 3 octobre. Et nous ne pouvons raisonnablement continuer à subventionner des produits importés alors que la campagne agricole s’annonce bonne.
Pour le seul cas de l’essence, les prix sont fixés à la pompe, ce qui pénalise les opérateurs du secteur. Mais nous agissons avec objectivité. Les prix continuant à évoluer, on ne peut jouer en permanence sur la fiscalité sous peine de contraindre certains opérateurs à vendre à perte.

Répercuterez-vous le repli des cours du pétrole ?
Les Burkinabè ont raison de trouver l’essence chère. Mais ils doivent savoir que ses prix sont bloqués depuis un an et sont donc artificiels par rapport à la réalité du marché. Si nous avions suivi les cours mondiaux, le litre dépasserait 820 F CFA [1,25 euro] – ce qui serait insupportable -, alors qu’il est à 715 F CFA actuellement. Et quand bien même nous répercuterions le repli des cours du baril sur les prix au litre, les tarifs de l’essence resteraient inabordables pour de nombreux foyers.
À défaut de produire du pétrole, il nous faut donc dépasser les questions du pouvoir d’achat et réfléchir à de nouveaux modes de production, comme le biocarburant, mais aussi à de nouveaux modes de consommation. Actuellement, nous compensons les prix de l’essence en élargissant la base des foyers bénéficiant des tarifs sociaux pour l’eau et l’électricité.

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Et pourquoi ne pas jouer sur l’augmentation des salaires ?
Il ne faut pas se mentir. Nous devons faire des choix. Au Burkina, la masse salariale des 80 000 fonctionnaires représente 40 % du budget de l’État. Que faisons-nous avec les 14 autres millions d’habitants ? Nous ne pouvons augmenter les salaires des fonctionnaires sans le faire pour le reste de la population. D’autant qu’il faut parallèlement continuer à satisfaire la demande en infrastructures.
Nous préférons donc utiliser des leviers qui profitent à tous, comme l’école gratuite, ou subventionner l’agriculture de manière à permettre au plus grand nombre de bénéficier de prix plus avantageux.

Les partenaires sociaux souhaiteraient une meilleure redistribution des fruits de la croissance, qui doit s’établir à 7 % en 2008…
Voire à 8 % !… Cela n’est pas toujours compris, mais il faut des fonds pour instaurer l’école gratuite dans les 45 provinces du pays. Idem pour la santé. Certes, les salaires n’augmentent pas, mais les frais de scolarité et de santé diminuent. Les fruits de la croissance vont prioritairement aux secteurs sociaux.

En juin, l’agitation a gagné les universités. Pourquoi cette décision radicale de les fermer et d’annuler les examens ?
C’était la meilleure décision. Vous savez, j’aborde toujours les choses avec pondération. J’ai visité les trois universités du pays pour discuter avec les étudiants. Ils m’ont fait part de leurs problèmes. Je les ai écoutés. Et, alors que nous étions à deux semaines des examens de fin d’année universitaire, c’est le moment qu’ils ont choisi pour faire une plate-forme de revendications et boycotter les examens. Ce n’est pas sérieux.
Franchement, si l’on va vraiment à l’université pour étudier, on ne se met pas en grève deux semaines avant des examens cruciaux pour faire valoir des revendications qui, de toute façon, ne peuvent trouver de réponses en deux jours. Chacun doit avoir conscience de ses responsabilités.

Le Burkina est à la 6e place des pays réformateurs dans le dernier rapport « Doing Business » de la Banque mondiale. À quoi attribuez-vous cette performance ?
Il faut admettre que, en Afrique, l’État n’est pas souvent le meilleur acteur pour dynamiser le secteur privé. Mais il faut oser les réformes et apporter une réponse économique rapide aux évolutions induites par la mondialisation. Au Burkina, il existe désormais une meilleure synergie et une meilleure coordination gouvernementale.
Plusieurs mois avant la publication de ce rapport, je me suis rapproché de la Société financière internationale [SFI, filiale de la Banque mondiale pour le financement du privé, NDLR] pour demander comment progresser dans ce classement. On m’a apporté des réponses, et j’ai engagé les mesures nécessaires. Nous devons cependant aller plus loin.

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L’autre signal favorable est celui de la production cotonnière, qui repart à la hausse…
Nous allons reprendre cette année notre place de premier producteur en Afrique. Les pays qui avaient fait mieux que nous lors des dernières campagnes n’ont que la moitié des superficies plantées dont dispose le Burkina. Et même si nous pensons ne récolter réellement que 500 000 tonnes au lieu des 700 000 prévues, ce sera le niveau de production le plus élevé sur le continent.

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