Enfidha, le pari maritime
Pour jouer un rôle stratégique en Méditerranée centrale, le pays va se doter d’un port en eau profonde de nouvelle génération. Coût du chantier : 1,4 milliard d’euros.
Comment résister à la crise
Cette fois, le projet de port en eau profonde d’Enfidha, sur le littoral est du pays, au cœur du golfe d’Hammamet, entre dans sa phase concrète. Après plusieurs années d’études – qui ont causé un an et demi de retard, justifié par la volonté de pousser à fond l’ingénierie relative à l’impact environnemental -, huit concurrents ont été présélectionnés, à la mi-septembre, pour la concession de ce futur hub de transbordement sous-régional au centre de la Méditerranée. Un appel d’offres très international puisque les compétiteurs retenus sont originaires des Émirats arabes unis, du Canada, de Chine, du Koweït, du Danemark, du Portugal et d’Italie (voir encadré). Ces derniers ont jusqu’au 25 décembre pour présenter leur offre définitive, et le choix du promoteur se fera dans le courant du premier semestre 2009. La première phase des travaux, qui devrait démarrer en octobre 2009, nécessite un investissement de près de 490 millions d’euros. Le financement pour les trois phases du chantier est estimé à plus de 1,4 milliard d’euros.
L’ambition du projet est de rendre à la Tunisie le rôle maritime phare qui était le sien, du temps où Carthage, carrefour entre l’Orient, l’Europe et l’Afrique, était le point de passage obligé du commerce mondial au centre de la Méditerranée. Depuis, la géographie n’a pas changé. Et, avec la mondialisation et le réseau des « autoroutes de la mer » lancé par l’Union européenne, auquel les pays méditerranéens concernés sont associés, la Tunisie retrouve sa position stratégique d’antan. « L’avenir, note Abderrahim Zouari, le ministre tunisien des Transports, c’est l’intégration à ces autoroutes. »
Dans la cour des grands du transbordement
Et, désormais, la faisabilité économique du port d’Enfidha est démontrée. Il est situé dans le golfe d’Hammamet, qui borde le détroit de Sicile, à 135 milles nautiques (250 km) du point de passage obligé des lignes maritimes entre l’est et l’ouest de la mer Méditerranée, où quelque 300 navires commerciaux transitent chaque jour. D’après les études réalisées en coopération avec le groupement de consultants Royal Haskoning (Pays-Bas) et le bureau d’études tunisien International Development Consultants (IDC), il bénéficie d’un positionnement compétitif sur le marché du transbordement international : à moins de vingt-quatre heures des ports européens de la Méditerranée, il est relié, par autoroute et chemin de fer, aux principaux centres de développement du Maghreb.
Le nouveau port pourrait capter entre 15 % et 25 % du marché du transbordement en Méditerranée. Dès cette année, la demande, en Méditerranée centrale en particulier, chez les concurrents directs d’Enfidha que sont les ports de Marsaxlokk (Malte), Tarente, Cagliari et Gioia Tauro (Italie), va dépasser l’offre, qui est actuellement de 14,5 millions d’EVP (l’unité de mesure de conteneurs « équivalent vingt pieds » représente environ 30 m3). Et ce déficit ira en s’aggravant, puisque la demande devrait atteindre 19 millions d’EVP en 2015 sur cette zone. Au moment même où la saturation s’étendra aux 24 autres ports du Bassin méditerranéen actuellement en mesure de recevoir des navires porte-conteneurs dits « Post-Panamax ».
Enfidha permettra aussi de répondre aux besoins du pays, qui effectue 98 % de ses échanges commerciaux par voie maritime et dont les 7 ports existants vont arriver à saturation. Bientôt, ils ne seront plus adaptés à la modernisation du secteur, qui vise à diminuer la pollution et la consommation d’énergie ainsi qu’à décongestionner les transports terrestres.
Un quai de 3,6 kilomètres…
Ce port de nouvelle génération sera l’une des plus grandes infrastructures portuaires dans le Bassin méditerranéen. L’une des particularités du projet est que, bien qu’il s’agisse d’un port en eau profonde, il sera réalisé sur terre et non en mer : Enfidha sera un port dragué à l’intérieur de la côte, avec « inondation » par l’eau de mer du site de la sebkha actuelle (terre en dessous du niveau de la mer). Le gouvernement se charge de l’exécution des ouvrages hydrauliques pour parer tout risque écologique pouvant atteindre la nappe phréatique. Il aura une profondeur d’eau de 18 mètres, lui permettant de recevoir les gros porte-conteneurs de 80 000 tonnes. Il sera doté d’un terminal à conteneurs d’une capacité annuelle de 5 millions d’unités (à l’horizon 2030) disposant d’un quai de 3 600 mètres pour grues portuaires ultramodernes et d’une jetée de transbordement polyvalente de 1 120 mètres (notamment pour les cargos à vrac).
Les autorités tunisiennes souhaitent aussi faire d’Enfidha un complexe portuaire qui, à la fin de la troisième phase de travaux, s’étendra sur 1 200 hectares et se prolongera par une zone d’activités économiques et logistiques de 2 000 hectares – dont une partie sera attribuée prioritairement au concessionnaire du terminal, s’il le souhaite. En tout cas, les candidats désireux de s’installer sur une telle zone d’activités ne devraient pas manquer. Elle bénéficie en effet d’une position privilégiée. À mi-chemin entre les stations balnéaires d’Hammamet et de Sousse-port El-Kantaoui, pour ce qui est de la qualité de vie. Avec un accès direct aux réseaux de chemin de fer et d’autoroutes, qui mènent aux principaux centres économiques du pays et se prolongent vers la Libye et l’Algérie. À ces réseaux s’ajoute le nouvel aéroport international d’Enfidha, qui entrera en activité dès octobre 2009, dont la construction et la concession (pour une période de quarante ans) ont été confiées en mai 2007 à l’opérateur turc Tepe Akfen Ventures (TAV)… De multiples synergies en perspective.
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