Le culte des IDE
Comment résister à la crise
La Tunisie voue aux investissements étrangers un véritable culte. Et celui-ci ne date pas d’aujourd’hui, mais de 1972. Après une décennie de développement aux résultats mitigés, le pays change complètement de politique économique. Le rôle de l’État n’est plus de bâtir des usines et de produire des marchandises, mais d’attirer, d’encadrer et d’aider les entrepreneurs privés tunisiens et étrangers. Il crée un environnement juridique, social et politique favorable. Il accorde des exemptions fiscales et douanières, aménage les infrastructures et les zones industrielles, etc. Il privilégie les investissements durables et décourage les placements spéculatifs. On ne ferme pas une usine comme on revend un paquet d’actions. Ce qui réduit énormément l’impact, sur la Tunisie, des crises boursières internationales.
Avec l’Agence de promotion des investissements (API, devenue Fipa en 1995), la Tunisie était devenue un pays pionnier dans l’attraction des investissements directs étrangers (IDE). Ils sont venus de toute part, mais principalement de l’Union européenne (France, Italie, Allemagne) et du Golfe (Arabie saoudite, Koweït, Qatar et Émirats arabes unis). Ils ont prospéré dans le textile, le tourisme, les pièces détachées, les composants électroniques, la finance.
Décriées par les syndicats ouvriers dans les années 1970, les lois de 1972 qui ouvraient les portes aux IDE ont permis l’émergence de la classe moyenne, l’emploi massif des femmes, le développement des exportations industrielles… Et, donc, la diversification de l’économie.
Leur importance a augmenté après l’accord de libre-échange industriel conclu avec l’Union européenne en 1995, puis avec d’autres partenaires commerciaux. Aujourd’hui, il ne viendrait à l’esprit de personne de nier leur impact (un emploi sur dix dépend d’eux), ni de les dénigrer. Mieux, les autorités insistent pour renforcer l’arsenal juridique et financier permettant d’améliorer encore les « avantages comparatifs » du pays.
Car la Tunisie n’est plus seule sur le marché de la mondialisation. Avant de la choisir, un investisseur la compare aux autres terres d’accueil pour ce qu’elle lui offre en termes de fiscalité (impôts et taxes), de proximité géographique, de qualité des services (banques, sous-traitance), de coûts (travail, transports, communication), d’environnement (niveau de vie, loisirs, sécurité) et de bonne gouvernance. Mais cela ne suffit généralement pas. Les dirigeants tunisiens, les diplomates et les représentants de la Fipa à l’étranger se démènent chaque jour pour convaincre ceux qui hésitent.
Des progrès restent, en effet, à accomplir dans plusieurs domaines. Les indicateurs financiers sont bons et la compétitivité s’est nettement améliorée, comme en témoigne le rang qu’occupe la Tunisie dans le classement du Forum de Davos (36e sur 134). Mais l’État demeure le principal ordonnateur, avec une intervention prépondérante de l’administration dans la vie des affaires. Ce que montrent d’autres classements moins reluisants, tels que Doing Business (73e sur 181), l’Indice de liberté économique (69e sur 161) ou l’Indice de perception de la corruption (62e sur 180).
Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, sait de quoi il parle quand il promet aux hommes d’affaires plus de réformes et plus de transparence dans le cadre légal, réglementaire et institutionnel du pays, avec l’objectif d’atteindre à terme les normes en usage dans les pays développés.
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