Le royaume prend ses marques

Le rapprochement avec l’Europe, premier partenaire commercial, s’accélère. En revanche, dans le cadre de l’accord d’Agadir (avec la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie), les échanges restent limités.

Publié le 10 décembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Cap sur l’europe
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En se voyant accorder le statut avancé, le Maroc amorce un nouveau virage dans ses relations avec l’Union européenne (UE) et, partant, avec ses États membres. En particulier les sept qui ont une ouverture sur la Méditerranée. Comment se positionne le pays à l’échelle du Bassin méditerranéen ? L’ancrage économique européen se fera-t-il au détriment de la zone arabe, notamment des autres membres de l’accord d’Agadir (Tunisie, Égypte, Jordanie) ? Non, assurent les autorités du royaume.
« La crise mondiale aura un impact sur l’économie marocaine en raison de la structure de ses échanges. […] Mais, paradoxalement, s’il y a des ­difficultés en Europe, notamment en France, le Maroc peut se révéler une parfaite plate-forme de délocalisation », souligne l’économiste Karim Amara. En l’occurrence, sur la carte d’état-major des grandes firmes européennes, la destination Maroc est de plus en plus prisée pour l’offshoring, en raison de sa proximité géographique et culturelle, ainsi que de ses coûts salariaux moindres. À environ 2 700 dirhams (246 euros), le smig brut marocain est cinq fois inférieur au salaire minimum français (1 321 euros brut mensuels).

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Les grands du secteur tertiaire l’ont bien compris, comme les sociétés de services en ingénierie informatique Capgemini, Steria, Atos Origin, Logica, SQLI, Ubisoft, ou encore BNP Paribas. Dans l’industrie automobile, la compétitivité du Maroc attire également les investisseurs, séduits par le rapport coût-qualité de la main-d’œuvre, mais aussi par l’infrastructure portuaire performante, en particulier celle de Tanger. Ainsi, déjà présent dans le pays, Renault-Nissan va installer sa plus grande usine commune dans la zone économique spéciale de Tanger-Méditerranée, pour un investissement projeté de 600 millions d’euros et une capacité de production envisagée de 200 000 voitures par an dès 2010 (destinée pour 90 % à l’exportation). Dans son sillage, les équipementiers étrangers confortent leurs investissements. L’américain Delphi transfère sa production espagnole sur son site de Tanger, créant 3 000 emplois. Le français Faurecia, deuxième équipementier automobile européen, crée une usine à Kénitra (au nord de Rabat) pour 10 millions d’euros, qui devrait employer à terme 650 personnes. Non loin de là, dans la zone industrielle de Bir Rami, l’allemand Leoni ouvre une unité de production pour 22,5 millions d’euros.
De son côté et malgré la rude concurrence tunisienne, le secteur aéronautique se développe, motivé par la décision de l’avionneur européen Airbus, suivi sur le terrain par ses sous-traitants, de délocaliser hors zone euro, au Maghreb – notamment en raison de l’appréciation de la monnaie européenne vis-à-vis du dollar. La production de composants aéronautiques se concentre sur le pôle de Nouasseur, près de Casablanca. Le groupe Safran y est déjà bien implanté, à travers Labinal, Aircelle Maroc, Matis Aerospace, Snecma Morocco Engine Services (Smes), Sagem Sécurité Maroc. Plusieurs PME, en particulier des françaises, viennent de s’installer, parmi lesquelles Auvergne aéronautique, ARM, Segula Technologies, Socata (filiale d’EADS), et, début 2009, Nexans doit mettre en route une nouvelle ligne de production de câbles high-tech pour le compte d’Airbus.

Vers La libéralisation totale ?

Très tourné vers l’Europe bien avant l’octroi du statut avancé, le Maroc doit désormais plancher sur la mise en place d’une zone de libre-échange globale et approfondie (Alea). Déjà acquise pour les marchandises à l’horizon 2012, la libéralisation portera aussi sur les produits agricoles et les services. L’agriculture… Sujet sensible. La pression est forte, côté européen, pour accroître le plus rapidement possible les quotas marocains d’importations de blé, tout en résistant à l’entrée de certains produits, notamment les tomates et les fraises. 
« L’Europe a ses propres contraintes. […] Ce que souhaite le Maroc, c’est l’application, la prise en compte progressive de la règle communautaire », indique Youssef Amrani, ambassadeur et directeur général des relations bilatérales au ministère marocain des Affaires étrangères. « La partie communautaire demande un degré de libéralisation très avancé sur le blé, la viande, quelques produits en conserve. […] Le Maroc, pour sa part, estime que les mesures d’accompagnement de son agriculture ne sont pas encore suffisantes », précise Karima Kabbaj, négociatrice principale sur ces questions au ministère. D’autre part, le pays est tenu par ses engagements envers les États-Unis (clause de préférence contenue dans l’accord de libre-échange).
Il est également question de l’intégration régionale côté Sud. Membre fondateur, avec la Jordanie, l’Égypte et la Tunisie, de l’accord d’Agadir, le Maroc ne souhaite pas porter tous les efforts de négociation et voir les pays arabes partenaires profiter trop facilement des retombées. L’accord d’Agadir (accord commercial entré en vigueur à la fin de mars 2007, en prélude à la création d’une zone euro-méditerranéenne de libre-échange) prévoit notamment l’abolition immédiate de toutes les barrières non douanières et le démantèlement des droits de douane sur les produits industriels. « Son intérêt est de pouvoir bénéficier du cumul paneuro-méditerranéen. Le tissu fabriqué en Tunisie, transformé au Maroc et exporté vers l’Europe, bénéficiera de droits de douane préférentiels », explique un responsable au ministère du Commerce extérieur. Objectif : développer les échanges commerciaux entre les quatre pays signataires, dont la valeur, actuellement, ne dépasse guère 4 % de leur commerce extérieur. En première ligne sont visés les secteurs du textile et de l’automobile.

Les petits pas du quartet d’Agadir

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Il reste cependant un long chemin à parcourir. En effet, la forte similitude des exportations des quatre partenaires d’Agadir vers un même marché (notamment dans la filière des câbles et faisceaux pour l’automobile ou l’aéronautique) intensifie la concurrence et le protectionnisme. Néanmoins, il y a quelques mois, l’Égypte et le Maroc sont parvenus à s’entendre pour exporter la Logan marocaine vers le pays des Pharaons.
Dans le textile, le royaume mise sur le fast-fashion, concept développé par les donneurs d’ordres espagnols Inditex (Zara, Massimo Dutti) et Mango, qui consiste à renouveler les séries en un temps record. L’unité technique de l’accord d’Agadir préconise aussi de développer plus en amont les échanges dans le secteur textile. Il s’agit, en particulier, de recourir davantage aux fils et tissus de coton produits par l’Égypte, l’une des faiblesses du Maroc résidant dans le manque de matières premières.

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