Cinq créateurs hors du rang

Difficile d’isoler quelques noms parmi les nombreux plasticiens sud-africains de talent. Voici néanmoins une sélection représentative de la richesse, de la variété et de l’engagement de la scène artistique du pays.

la photographe Zanele Muholi combat le préjugé anti-gay en Afrique. © Zanele Muholi

la photographe Zanele Muholi combat le préjugé anti-gay en Afrique. © Zanele Muholi

Publié le 18 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Zanele Muholi : La fierté gay

Au magazine gay Têtu, Zanele Muholi, 38 ans, déclarait : « Mon objectif est de combattre la sous-exposition et l’invisibilité des lesbiennes noires. » Contrairement à une légende qui a la vie dure, l’homosexualité existe en Afrique et ce n’est pas une tare ! La photographe originaire de Durban entend bien le faire savoir. Son travail, principalement consacré aux lesbiennes africaines, est en accord parfait avec son activisme personnel au sein du Forum for the Empowerment of Women et, plus encore, avec ses reportages pour Behind the Mask, un magazine en ligne sur la question homosexuelle en Afrique. Récompensé par un prix de la Fondation Blachère lors de la biennale de Bamako en 2009, le travail de Zanele Muholi est exposé à la Fondation Bullukian, à Lyon, jusqu’au 24 juillet.

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William Kentridge : La trace du dessin précédent

Avec la peintre Marlene Dumas, William Kentridge est le plus célèbre des artistes sud-africains. Et l’un des plus chers : son œuvre filmée Felix in Exile s’est vendue 144 000 euros en 2009. Né à Johannesburg en 1955, formé à l’université du Witwatersrand, élève de l’École internationale de théâtre Jacques-Lecoq (Paris), Kentridge est surtout connu pour ses films animés, comme Johannesburg, 2nd Great City After Paris. Sa méthode est particulière : il dessine au fusain ou au charbon des scènes au contenu politique, social ou autobiographique fort. Des touches de rouge ou de bleu viennent parfois s’introduire dans ces images sombres. Puis il filme ses dessins, en efface une partie ou la totalité, recrayonne sur la même feuille et filme à nouveau. Il en résulte des films animés où les dessins se succèdent tout en laissant visible la trame des précédents jusqu’à la fin de chaque scène.

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Willie Bester :  Archéologue des townships

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Il fut un temps où être noir et habiter Montagu, dans la province du Cap, était interdit par le Group Areas Act (« loi sur les zones réservées »). C’est ainsi que, en 1966, la famille de Willie Bester – alors âgé de 10 ans – est contrainte de déménager dans un township. Puis, très tôt obligé de travailler, Willie passe un moment dans un camp disciplinaire pour n’avoir pas su dégotter un contrat de plus de six mois… Mais, enfin, à 20 ans, il participe au Community Arts Project du Cap. En quelques années, il devient un plasticien reconnu, symbole de la lutte contre l’apartheid, auteur d’œuvres engagées et violentes. Armé d’une brouette, il récupère des objets dans les townships puis, en véritable archéologue de l’évolution sociale de son pays, les assemble en sculptures et installations.

 

Conrad Botes : Pour l’amer de l’art

Dans son pays, Conrad Botes est célèbre pour avoir été l’un des fondateurs de la revue de bande dessinée trash Bitter­komix, au début des années 1990. Il raconte d’ailleurs avec une certaine délectation avoir été à l’origine de la première publication censurée dans la « nouvelle Afrique du Sud ». Il faut dire que l’art de ce jeune homme né à Ladi­smith en 1969 n’est pas de nature à laisser de marbre. Si, à l’instar d’un Roy Lichtenstein, il emprunte son esthétique à la BD, ses œuvres sont loin d’être douces : le sadisme, la violence, les blessures y jouent un rôle prépondérant. Conrad Botes est représenté par la très active galerie Michael Stevenson, au Cap.

Zwelethu Mthethwa : Face aux gladiateurs du présent

Avant d’y enseigner la photographie et le dessin de 1994 à 1999, Zwelethu Mthethwa a été étudiant à la Michaelis School of Fine Art de l’université du Cap. Cet artiste né il y a cinquante ans à Durban est surtout connu pour des images réalisées dans une décharge, au Mozambique, à une quinzaine de kilomètres du luxueux Pemba Beach Hotel. Intitulée Gladiateurs contemporains, cette série de photographies montre les enfants qui vivent et se nourrissent sur la décharge avec une incroyable dignité. D’une manière générale, les œuvres de Mthethwa créent une confrontation directe entre le sujet photographié et le spectateur – le cadrage accentuant l’intensité des regards. Le Sud-Africain, exposé dans de prestigieuses collections, comme celle du Museum of Modern Art (MoMA), à New York, travaille aussi la peinture et le pastel.

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