Lieutenants du père, opposants au fils

Si la disparition d’Omar Bongo Ondimba n’a pas conduit à un renouvellement de la classe politique, les lignes ont bougé. Questions de rivalités et d’ambitions personnelles.

Fidèle serviteur du pésident défunt, Jean Eyeghe Ndong est devenu un adversaire du fils. © LLuis Gene/AFP

Fidèle serviteur du pésident défunt, Jean Eyeghe Ndong est devenu un adversaire du fils. © LLuis Gene/AFP

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Publié le 14 juin 2010 Lecture : 3 minutes.

Gabon : Un an après
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Gabon : Un an après

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Ils se seraient damnés pour plaire au roi. Fidèles serviteurs, ils incarnaient le « système » et en assumaient crânement les travers les plus décriés. Chaque jour, ils donnaient des gages de loyauté, pour ne pas finir dans les oubliettes du palais. Tous se gardaient bien évidemment de montrer le moindre intérêt pour le trône et consacraient une grande partie de leur énergie à combattre l’opposition. Quant au souverain, il prenait soin de jouer de leur attachement aux privilèges et aux honneurs pour les opposer, suscitant rivalités et inimitiés. La méthode a fonctionné, jusqu’à la mort du maître. C’était il y a tout juste un an. Sa disparition fut un tremblement de terre, qui eut pour effet de réveiller la classe politique et de faire sortir du bois ceux qui guignaient la place.

Feutrée au départ, la grande bataille éclate au grand jour le 16 juin lors des obsèques, devant la dépouille du chef, et annonce le big bang de la classe politique : le Premier ministre, Jean Eyeghe Ndong, qui n’avait été jusqu’à ce jour qu’un administrateur dévoué et sans aspérités, dénonce dans son oraison funèbre le scénario d’une succession de père en fils en préparation. Celui qui va démissionner de son poste quelques semaines plus tard use d’une métaphore biblique visant Ali Bongo Ondimba, héritier présomptif, qui avait grandi à l’ombre de son père et se destinait naturellement à sa succession à la tête de l’État.

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Très vite, il apparaît que le projet d’Ali Bongo Ondimba est soutenu par une partie de l’appareil du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), et par les réseaux politiques, maçonniques et d’affaires de son père. Leur choix relègue Jean Eyeghe Ndong, le ministre d’État chargé des Mines Casimir Oyé Mba, le vice-Premier ministre Paul Mba Abessole – aujourd’hui revenu dans le giron du pouvoir – et l’ancien ministre de l’Intérieur André Mba Obame au statut de dissidents du parti au pouvoir. Si aucun d’eux n’a renié en public la mémoire d’Omar Bongo Ondimba, il n’est pas question de renoncer.

La bataille prendra même une tournure mélodramatique avec l’annonce de la candidature d’André Mba Obame, proche de la famille Bongo Ondimba pendant vingt ans. Lui se dit « lâché » par son « frère » Ali, tandis que les partisans de ce dernier stigmatisent le « traître ». Toujours est-il que les deux anciens trublions rénovateurs du PDG vont vite s’imposer comme les principales forces en compétition, talonnés de près par l’opposant de toujours, Pierre Mamboundou, lui aussi rejoint par d’anciennes figures de la galaxie Bongo Ondimba telles que l’ancien vice-Premier ministre Louis Gaston Mayila et l’ex-maire de Port-Gentil Séraphin Ndaot. Ali va l’emporter, tandis que Mba Obame rejoindra l’opposition. Contrairement à ceux qui prédisaient la réconciliation, ils demeurent opposés. Cependant, l’un et l’autre ont repris chacun à son compte une partie des cadres du parti. Ali pour constituer une équipe gouvernementale expurgée de poids lourds susceptibles de le gêner, et Mba Obame pour incarner une alternative crédible aux yeux des partenaires, réseaux et « amis » traditionnels du Gabon. Au service de cette ambition, il s’est joint aux autres candidats dissidents du PDG pour créer l’Union nationale (UN), avec pour figure de proue l’ancien haut dignitaire Zacharie Myboto.

Portés par une dynamique qu’ils veulent unitaire, ils entendent s’implanter au détriment de l’Union du peuple gabonais (UPG), qui incarnait l’opposition sous OBO. Pendant ce temps, d’autres personnages au rôle naguère important tels que Idriss Ngari, Richard Auguste Onouviet – qui pourrait cependant faire prochainement son retour – et Jacques Adiahenot, notamment, se font oublier. Partagé entre PDG, UN et UPG, autour desquels gravitent des dizaines de partis satellites, le paysage politique gabonais s’est recomposé et s’est aggloméré en trois pôles majeurs, au sein desquels s’affrontent et se dévorent les « créatures » d’Omar Bongo Ondimba.

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