Rois nègres et barbus bistres
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 9 janvier 2012 Lecture : 2 minutes.
La campagne électorale française pour la présidentielle d’avril-mai 2012 s’annonce particulièrement dure, tranchante et même carrément trash. Au cœur de ce maelström, de phrases vachardes et de manips tordues destinées à briser l’adversaire, dont le zapping de Canal+ fera son miel au cours des mois à venir, l’Afrique, du nord au sud, ne tient aucune place, si ce n’est celle, habituelle, de repoussoir. Une fois de plus les thématiques de l’immigration, de l’islamisme et de l’insécurité – les trois étant liées – servent de fond de sauce ad nauseam au menu du Front national de Marine Le Pen, rejoint dans les arrière-cuisines par l’aile la plus droitière du parti au pouvoir et même par un ministre de l’Intérieur passeur de plats en service commandé.
Mais voici que l’auteure de l’ineffable « je connais bien Dominique Strauss-Kahn, je l’ai mis en examen », lunettes rouges et 5 % dans les sondages, vous avez reconnu Eva Joly, y va de son dérapage incontrôlé direction fosse à clichés. Pour mieux stigmatiser celui dont elle a « détesté la présidence », la candidate écologiste n’a rien trouvé de mieux que cette phrase choc qui à ses yeux, on l’imagine, vaut mille discours:« Sarkozy? C’est l’africanisation de la France! » Certes, l’ancienne juge d’instruction de l’affaire Elf voulait ainsi dénoncer divers scandales de corruption qui, de Karachi aux porteurs de valises, empoisonnent la République. Mais Mme Joly, bien que d’origine norvégienne, ne descend pas de son drakkar, puisqu’elle est française, vit en France depuis un demi-siècle et qu’elle a vu défiler dans son cabinet bon nombre de grands et petits filous. Elle doit donc savoir que, en matière d’honnêteté et de respect de l’autre, l’Afrique – qui par ailleurs est d’une extrême diversité – aurait au moins autant à s’inquiéter d’une « francisation » que de l’inverse. Et que ce type de comparaison conforte involontairement les préjugés de ceux qui voient dans le continent une calebasse d’eau stagnante dans laquelle il vaut mieux ne pas tremper ses doigts.
Rois nègres au Sud, barbus basanés au Nord: la fabrique à fantasmes fonctionne à plein régime dans la France malade de 2012, plus ignorante que jamais des réalités africaines. Un peu comme un antidote, le premier numéro de l’année de Jeune Afrique (n°2661, du 8 au 14 janvier) vous propose donc de découvrir comment, au Maroc, un roi intelligent et ouvert cohabite avec des islamistes modérés et monarchistes élus par le peuple. Comment, en Tunisie, un président d’Assemblée aux impeccables états de service démocratiques s’exprime à rebours du pessimisme ambiant quant à l’avenir du nouveau régime. Et comment, en Côte d’Ivoire, un chef d’État pointilleux remet peu à peu son pays sinistré sur les rails de la bonne gouvernance. À lire d’urgence par nos deux candidates blondes, qu’il ne viendrait à l’idée de personne de mettre dans le même panier, mais qui, par conviction pour l’une et par maladresse pour l’autre, barbotent pour une fois dans le même marigot…
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