Liberté de la presse : la face cachée de l’islam
Des hebdomadaires français qui avaient reproduit une image du Prophète ont été bannis des kiosques au Maroc et ont renoncé à envoyer leurs exemplaires en Tunisie et en Algérie.
On ne badine pas avec le visage du Prophète. Les hebdomadaires français L’Express et Le Nouvel Observateur, qui avaient consacré leur numéro de fin d’année à l’histoire des Arabes, l’ont appris à leurs dépens : ils ont été interdits au Maroc. Le ministère de la Communication leur reproche d’avoir reproduit des gravures persanes où Mohammed est représenté, une pratique interdite par l’islam sunnite.
Depuis l’affaire des caricatures au Danemark, en 2005, les opinions maghrébines sont très sensibles à la question et, même si Christophe Barbier, le directeur de la rédaction de L’Express, avait pris la précaution de voiler le visage du Prophète dans l’édition marocaine de son magazine, le numéro a été banni des kiosques. Une décision qui n’a rien à voir avec l’arrivée au pouvoir des islamistes. En 2008 déjà, L’Express avait été interdit pour les mêmes raisons, et par le même ministre. « Le contenu des articles n’est pas en cause et il n’y a pas d’aggravation de la censure au Maroc. Nous avions prévenu les journaux que ce type d’illustrations est systématiquement interdit ici. C’est une règle comme une autre », explique Fréderic Vézy, directeur du distributeur Sochepress.
Autocensure
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Le Point et L’Express ont été également interdits à Tunis. Mais Slah Nouri, directeur général de la Sotupresse, considère lui aussi qu’« il n’y a pas eu de censure ». « Les numéros en question ne nous ont pas été livrés. Échaudés par l’interdiction au Maroc, les responsables de L’Express ont pris la décision de ne pas les expédier en Tunisie. Quant au Point, l’éditeur a tenté de modifier l’illustration, sans y parvenir pour des raisons techniques. Ce qui l’a conduit à renoncer à nous envoyer notre quota habituel. »
Il en a été de même en Algérie, où les éditeurs de L’Express et du Point ont décidé de ne pas envoyer leurs numéros. Reste que, en Tunisie, les tensions provoquées par la diffusion du film Persepolis sur la chaîne Nessma ont sans doute poussé le distributeur à intervenir en amont pour dissuader les responsables des journaux. « Cela risquait de provoquer des réactions extrêmes et d’envenimer inutilement une situation déjà critique. La sagesse recommande de ne pas susciter de faux problèmes sur des questions épineuses qui détourneraient l’attention des débats essentiels », souligne Nouri.
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