États-Unis : le Parti républicain attend son sauveur
Tous les candidats aux primaires républicaines affichent une foi chrétienne à toute épreuve. Mais aucun ne paraît en mesure de rassembler un parti profondément divisé. À quand un sauveur ?
Avec la victoire plus qu’étriquée – huit voix ! – de Mitt Romney dans le caucus de l’Iowa, le doute n’est plus permis : le Parti républicain traverse une grave crise d’identité. Entre la ligne conservatrice pure et dure, populiste et anti-establishment d’une grande partie de sa base, et celle, plus modérée et soucieuse de réalisme électoral de nombre de ses dirigeants, il ne parvient pas à choisir. Son seul ciment, c’est le rejet de Barack Obama.
Comme le dit l’un de ses sympathisants, le meilleur candidat républicain dans l’Iowa eût été « Jésus-Christ », tant les chrétiens conservateurs (60 % des votants) dominent dans cet État agricole du Middle West. Depuis Ronald Reagan et, dans une moindre mesure, George W. Bush, le Grand Old Party (GOP) manque cruellement d’une grande figure capable de réaliser la synthèse de toutes les sensibilités qui le composent. De concier, par exemple, les valeurs chrétiennes traditionnelles incarnées par un Rick Santorum, surprenant deuxième dans l’Iowa, et le conservatisme inclassable, libertaire et antiétatiste d’un Ron Paul, arrivé troisième. Tout en veillant à ne point trop effaroucher les électeurs du centre, qui font presque toujours la décision lors de la présidentielle du mois de novembre. Un vrai casse-tête.
Pour les évangéliques, Romney, qui est mormon, est une sorte d’hérétique.
Pas sûr que Mitt Romney, désormais favori adoubé par John McCain (le candidat républicain de 2008) soit capable de le résoudre, malgré sa victoire à la primaire du New Hampshire, le 10 janvier. Peu charismatique et, de surcroît, de confession mormone, ce qui lui vaut la farouche inimitié de nombre de protestants évangéliques, l’ancien gouverneur du Massachusetts, s’il est finalement désigné, deviendra face à Obama le champion par défaut d’un parti divisé comme jamais.
Dans l’Iowa, les échanges entre candidats républicains se sont signalés par leur extrême virulence. Le climat a été rendu encore plus délétère par la décision de la Cour suprême de lever toute restriction au financement des campagnes électorales. Du coup, les budgets publicitaires flambent : près de 6 millions de dollars pour Perry dans l’Iowa, 4,7 millions pour Romney, 2,8 millions pour Paul… et seulement 560 000 dollars pour Santorum, de loin le meilleur rapport qualité-prix !
Repoussoir
Pris dans une absurde surenchère droitière, le GOP fait aujourd’hui figure de repoussoir dans le pays. À plus long terme, son avenir même paraît menacé. Ses difficultés actuelles découlent, paradoxalement, de la « raclée » (Obama dixit) infligée aux démocrates, grâce à la montée en puissance du Tea Party, lors des élections de la mi-mandat, en novembre 2010. C’était en réalité une victoire à la Pyrrhus. L’arrivée à la Chambre des représentants de 87 parlementaires issus du Tea Party a déplacé loin vers la droite le centre de gravité du parti, désormais englué dans une opposition idéologique très dure, mais stérile, face à un Sénat et à un président démocrates.
Menace de fermeture pure et simple du gouvernement, au printemps 2011, menace d’un défaut sur la dette américaine… Pour obtenir d’Obama des coupes budgétaires drastiques, les représentants républicains à la Chambre se sont aventurés jusqu’au bord du précipice. À la veille de Noël, ils ont même sombré dans le ridicule en refusant de proroger les très populaires ristournes sur les cotisations salariales que la plupart de leurs amis au Sénat avaient pourtant approuvées ! Le principal résultat de cette stratégie a été de remettre en selle Obama : 47 % d’opinions favorables selon un dernier sondage. Dans leur grande majorité, les Américains jugent la position républicaine irresponsable. Pas de très bon augure pour 2012.
Les jeunes sont de plus en plus nombreux à juger démesuré le rôle joué par les questions de mœurs dans la vie politique de leur pays.
Outre l’absence d’un leader fort, le GOP souffre d’un autre problème, structurel celui-là : son décalage grandissant avec une Amérique en pleine mutation. Un analyste politique l’explique sans détour : il est « trop blanc, trop masculin et trop vieux ». Les jeunes, y compris chez les sympathisants républicains, sont de plus en plus nombreux à juger démesuré le rôle joué par les questions de mœurs dans la vie politique de leur pays. Des voix, certes encore discrètes, commencent à s’élever pour réclamer une rénovation idéologique. Combien de temps encore l’opposition au mariage homosexuel et à l’avortement constituera-t-elle l’alpha et l’oméga du programme de tout candidat républicain, comme ce fut encore le cas dans l’Iowa ?
Parti républicain : la surenchère moralisatrice
Dieu serait-il conservateur ? Les électeurs de l’Iowa étant à 60 % des chrétiens plus ou moins traditionalistes, les candidats républicains en ont tous rajouté dans la défense des valeurs religieuses. Michele Bachmann et Rick Santorum n’ont pas eu à forcer leur nature pour défendre la vie « de la conception jusqu’à la mort naturelle ». Dans un spottélévisé, Rick Perry a estimé que l’Amérique courait à sa perte depuis qu’Obama avait autorisé l’enrôlement des homosexuels dans l’armée. Converti au catholicisme, Newt Gingrich a pour sa part présenté ses voeux aux électeurs devant une reconstitution de la nativité, tandis que Ron Paul défendait son christianisme en faisant valoir… son ancien métier d’obstétricien.
Seul Mitt Romney, dont la foi mormone passe pour hérétique aux yeux des évangéliques, s’est contenté du service minimum : il s’est borné à affirmer son opposition à l’avortement, alors qu’il y était jadis favorable. Comme pour faire diversion, il s’est en revanche déclaré, pour la première fois, favorable à l’expulsion des 11 millions d’immigrés présents illégalement dans le pays. Apparemment, Dieu n’aime pas non plus les sans-papiers.
Péril en la demeure
Enfin, dans un pays qui comptera un tiers de Latinos en 2050, le GOP devra, pour survivre, nécessairement se lancer à la conquête de cet électorat. Y compris dans ses traditionnels bastions du Sud. Comment ? En renonçant – comme avait su le faire George W. Bush – à son approche très restrictive de la question de l’immigration. Ancien gouverneur du Texas, Rick Perry ne s’y est pas trompé. Lors d’un débat télévisé, il s’est déclaré favorable à la scolarisation des enfants d’immigrés illégaux, s’attirant une volée de bois vert de tous ses adversaires républicains, Romney en tête.
Pour le parti d’Abraham Lincoln, qui abolit l’esclavage en 1863, il y a péril en la demeure. En 2012, le candidat républicain aura la lourde tâche d’affronter Barack Obama, bien sûr, mais aussi d’adapter son parti à l’Amérique en train de naître. Pas sûr que Mitt Romney soit taillé pour le rôle.
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