Obama composte son « ticket »

De subtils calculs électoraux expliquent le choix du sénateur Joseph Biden comme candidat démocrate à la vice-présidence.

Publié le 31 août 2008 Lecture : 3 minutes.

« Mathilde, j’aimerais te remercier pour l’accueil chaleureux que j’ai reçu en tant que nouveau venu dans cette campagne. Ce que toi et Barack avez accompli au cours des dix-neuf derniers mois est incroyable, c’est un honneur d’y participer. » C’est en ces termes que Joseph Robinette Biden Jr (65 ans) commente à l’intention de « Mathilde » et de tous les autres supporteurs d’Obama inscrits sur le site Internet mybarackobama.com sa désignation comme colistier du candidat démocrate à la Maison Blanche. Même si, fidèle à sa réputation de « chien d’attaque », il enchaîne par quelques coups de griffes à l’adresse de John McCain, son nouveau rôle ne se limite pas à ça. Sa nomination est le fruit de savants calculs visant à pallier les carences, réelles ou supposées, du candidat. Quels sont ses atouts ?

1. L’expérience. Sénateur du Delaware depuis trente-cinq ans, cinq fois président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Biden est une « pointure » en matière de politique internationale et maîtrise parfaitement la majorité des dossiers (Balkans, lutte contre le sida, sécurité nationale, etc.). Son expertise et son âge devraient rassurer ceux qui jugent Obama trop jeune et dépourvu d’expérience pour devenir « commander in chief ».
Opposé à la première guerre du Golfe, puis favorable à la seconde avant de se déjuger, il envisage pour l’Irak une partition en trois régions semi-autonomes (chiite, sunnite et kurde) semblable à celle qu’il défendit en Bosnie dans les années 1990. Contempteur de l’unilatéralisme bushien, il est convaincu que le véritable front de la « guerre contre le terrorisme » se situe à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Ami déclaré d’Israël, il prône pourtant, à l’instar d’Obama, un dialogue avec l’Iran.

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2. Les racines populaires et l’identité religieuse. Bien qu’issu d’une famille qui était loin de rouler sur l’or, Obama est un intellectuel souvent jugé exagérément élitiste par les blue collars (« cols bleus »). Biden, lui, n’a jamais renié ses racines populaires. Né en Pennsylvanie dans la ville ouvrière de Scranton, il est le fils d’un vendeur de voitures qui déménagea dans le Delaware après avoir fait faillite. Aujourd’hui encore, il est l’élu le moins fortuné du Sénat, alors que McCain est multimillionnaire. Il fait chaque jour la navette en train entre Wilmington et Washington – soit plus d’une heure de trajet – et entretient d’excellentes relations avec les syndicats et les défenseurs des droits civiques. À l’inverse d’Obama, qui, agnostique d’origine, est membre d’une église réformée (la Trinity United Church of Christ), Joe Biden, en bon Irlandais, reste un catholique fervent, ce qui pourrait attirer sur son nom les suffrages de nombreux Latinos.

3. Les femmes. Beau gosse, Obama séduit. Mais l’âpre combat qui l’a opposé à Hillary Clinton a laissé des traces au sein du Parti démocrate et dans l’électorat féminin. Instigateur d’une loi importante contre les violences conjugales, Biden est en revanche très bien vu des groupes féministes.

4. L’histoire personnelle. Adeptes du storytelling, les conseillers d’Obama raffolent des aventures humaines qui fascinent l’opinion. Avec Biden, ils sont servis : son passé est une succession de drames et de réussites spectaculaires. Un vrai roman ! Enfant, il a surmonté un bégaiement qui l’empêchait de finir ses phrases. Élu sénateur à 30 ans, en 1972, il perd, quelques jours plus tard, sa femme et sa première fille dans un accident de voiture. Ses deux fils survivent par miracle et c’est à l’hôpital qu’il prête serment. En 1987, il échoue à l’investiture démocrate à la présidentielle pour avoir plagié un discours de Neil Kinnock, le dirigeant du Parti travailliste britannique. Un an plus tard, il est opéré du cerveau suite à deux ruptures d’anévrisme. Enfin, l’un de ses fils s’apprête à partir pour l’Irak.

Bien sûr, Joe Biden souffre aussi de quelques handicaps. Outre l’affaire du plagiat, qui lui coûta politiquement fort cher, il est enclin à de fâcheux dérapages verbaux. À l’époque où il était son adversaire, Obama n’a d’ailleurs pas été épargné par ses petites phrases assassines. Certains républicains extrémistes l’ont surnommé Ben Biden, mais le candidat démocrate n’en a cure. « J’ai besoin, explique-t-il, de quelqu’un qui soit capable de bousculer mes idées, pas d’un béni-oui-oui. »

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