L’opposition se met en ordre de marche
Regroupés au sein du Front Siggil Sénégal, les adversaires du président organisent des assises nationales pour ébaucher une alternative.
Regroupement de partis politiques qui se sont retrouvés pour contester les résultats, au lendemain de l’élection présidentielle de février 2007, le Front Siggil Sénégal (« relever la tête du Sénégal », en wolof) a commencé par commettre des erreurs tactiques. Après avoir rejeté le verdict des urnes pour fraudes, il a demandé à discuter avec le chef de l’État, qui a eu beau jeu de refuser de recevoir des adversaires qui n’avaient pas reconnu son élection. Les leaders du Front se sont alors radicalisés. Arguant l’absence de concertation sur le fichier électoral, ils ont appelé au boycott des élections législatives du 3 juin 2007. Un appel en grande partie entendu puisque le taux de participation n’a pas dépassé les 35 %. Mais, en plus d’octroyer au Parti démocratique sénégalais (PDS) une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et au Sénat, cette décision a placé l’opposition hors de la vie institutionnelle. Non sans fragiliser les finances des partis – qui ont besoin des cotisations des députés et des sénateurs – et démobiliser leurs responsables qui vivent de mandats électifs.
Après le boycott, le Front Siggil Sénégal a toutefois réussi un coup de maître, de quoi profondément agacer la majorité : démarrer, le 1er juin 2008, des assises nationales réunissant l’opposition, la société civile, les syndicats et d’importantes personnalités dans divers domaines. Le pouvoir a menacé, brandi des mesures de rétorsion, mais les assises se poursuivent. Et sur la base d’un diagnostic de la situation actuelle, elles doivent déboucher sur des « propositions de sortie de crise », susceptibles de constituer un programme pour l’opposition lors des futures échéances électorales. Si tant est que celle-ci conserve son unité d’action jusque-là.
Nouvelle génération de dirigeants
Vicié par la sourde rivalité entre Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste (PS), et Moustapha Niasse, un historique du PS qui l’a quitté en 1999 pour former l’Alliance des forces de progrès (AFP), le Front Siggil Sénégal semble avoir atteint ses limites. Signe des temps : Niasse et son alter ego du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), Amath Dansokho, ont ressuscité depuis début novembre la Coalition alternative 2007 (CA 2007), mise en place à l’occasion de la présidentielle de 2007, et s’apprêtent à envoyer au chef de l’État un mémorandum signé CA 2007 contenant leurs griefs contre le processus électoral.
À ce petit jeu et pour ne pas être dépassé, avec la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (LD/MPT) d’Abdoulaye Bathily, le PS muscle son discours afin de mieux se faire entendre. Le très raffiné Ousmane Tanor Dieng, jadis théoricien de « l’opposition républicaine », multiplie les sorties qu’Abdoulaye Wade a jugées « insurrectionnelles », le 20 novembre, à l’occasion d’une réunion du comité directeur du PDS. Sans doute Tanor réagit-il aux critiques de nombre de ses compatriotes qui lui reprochent de se complaire dans une sorte d’opposition de salon. Le chef de file de la principale formation de l’opposition, arrivé troisième à la présidentielle de février 2007 derrière Abdoulaye Wade et Idrissa Seck, veille également à ne pas être surpassé dans l’opinion par des organisations satellites de son parti animées par des jeunes, bouillants, aux dents longues.
Ancien président de Convergence socialiste (CS) devenu leader des jeunesses socialistes, Barthélémy Dias, nouvelle bête noire du régime, monte en flèche et multiplie les marches de protestation. Quant à son successeur à la tête de CS, Malick Noël Seck, il a été arrêté le 10 octobre pour avoir manifesté contre la réforme constitutionnelle écourtant le mandat du président de l’Assemblée nationale. Jugé et relâché, il a accru son aura aux yeux de l’opinion. Dans l’opposition aussi, une nouvelle génération pousse.
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