2000 morts et 1 blessé grave

Publié le 30 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Les pertes américaines en Irak viennent de franchir la barre fatidique des 2000 morts. Dans cette société de spectacle que sont les États-Unis, on censure tout ce qui risque de démoraliser le pays. Pas question, par exemple, de montrer les images des cercueils rapatriés. Mais les chiffres ronds sont des points de repère qui offrent l’occasion de faire le point et, surtout, de parler de la guerre autrement. Dans les médias, les victimes ne sont plus anonymes. Anthony Jones a eu une permission en mai. Il avait dit à sa femme enceinte : « Je veux vivre cette semaine comme si elle était la dernière de ma
vie. » Il a rendu visite à chaque parent ou ami. Il a écrit une lettre destinée à l’enfant qui va naître. Il mourra en juin à Bagdad. On remettra à sa veuve qui venait
d’accoucher le drapeau qui avait enveloppé le cercueil. Il avait 25 ans.
Le rythme de mortalité s’accélère en Irak. On avait atteint 1 000 morts en septembre 2004, c’est-à-dire après dix-huit mois de guerre. Il n’a fallu que treize mois pour doubler ce nombre. Explication : les bombes de l’insurrection sont plus puissantes et plus sophistiquées.
Trois morts sur quatre sont des Blancs. Le taux des Noirs et des Hispaniques est plus faible qu’en 2004. On observe une tendance à la baisse de la population noire au sein de l’armée américaine : 23 % parmi les nouvelles recrues en 2001, contre 14 % aujourd’hui. L’impopularité croissante de la guerre en Irak y est pour quelque chose.
George W. Bush se devait de marquer le coup. Il a prononcé un discours devant les épouses des soldats, blaguant sur les futurs anniversaires de mariage puis enfourchant sa rhétorique habituelle sur « l’empire totalitaire ». Si le pessimisme est assimilé au défaitisme, un brin de réalisme malgré tout : « Personne ne peut sous-estimer les difficultés qui nous attendent. » En Irak, mais aussi à Washington, les mauvaises nouvelles se succèdent pour Bush : la nomination d’Harriet Miers, son avocate personnelle, à la Cour suprême, qui n’avait même pas les faveurs de son camp, a fait long feu ; l’étau se resserre autour de Karl Rove, son plus proche conseiller, qui devrait démissionner après sa probable inculpation dans l’affaire des fuites sur le Niger ; Lewis « Scooter » Libby, directeur de cabinet du vice-président, a les talents requis pour lui succéder, mais il court les mêmes risques. Dick Cheney n’est pas épargné…
Pendant ce temps, dans le concert des critiques, une personnalité qui dispose d’une énorme autorité, et pas seulement en Amérique : Brent Scowcroft, qui fut très proche de Bush père. Dans une longue interview au New Yorker, il va au fond des choses et explique qu’il ne partage pas les objectifs des « neocons » quant à la démocratisation du Moyen-Orient : « Si vous pouviez le faire, ce serait excellent. Mais je ne pense pas que vous puissiez y arriver et, de plus, en essayant, vous risquez fort de plonger le Moyen-Orient dans une situation encore pire. »
Un mot tout de même des pertes irakiennes. Sait-on au moins à combien elles s’élèvent ? Le général Tommy Franks, le conquérant de Bagdad, avait tranché : « Nous ne comptons pas les cadavres. » Des ONG (américaines) font néanmoins le travail. Cette comptabilité-là reste approximative. Au total, plus de 30 000 civils, y compris les policiers, auraient perdu la vie.

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