États-Unis d’Afrique, version Kadhafi

La Libye refoule encore des Maliens.

Publié le 30 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

« En arrivant à l’aéroport de Sénou, l’un avait le bras cassé. D’autres m’ont montré leurs mains : ils avaient des doigts écrasés. Un troisième avait des traces de balles sur la peau et certains avaient été fouettés. » Journaliste au quotidien L’Indépendant, Pierre Fo’o Medjo ne décolère pas. Le 24 septembre, il a assisté au retour à Bamako de 156 Maliens expulsés de Libye, le pays de Mouammar Kadhafi, chantre de l’intégration africaine et fervent défenseur des États-Unis d’Afrique
Ce jour-là vers 4 heures du matin, un avion spécialement affrété par la Grande Jamahiriya se pose sur l’aéroport de la capitale malienne. En débarquent une armée de gueux, malades et épuisés, dont Tripoli ne veut plus. Une centaine d’entre eux s’apprêtaient à tenter la grande traversée vers l’Europe via l’île de Malte ou l’Italie, mais cinquante-six autres vivaient depuis plusieurs mois dans le pays. Arrêtés, trimballés de prison en prison pendant trois, quatre ou cinq mois, maltraités : tous disent avoir vécu l’enfer avant de fouler de nouveau le sol de leur pays. Founéké Fofana, 21 ans, arrivé en Libye en 2006, y travaillait comme jardinier. Il avait un peu d’argent chez lui, 1 250 dollars environ. Mais il a dû tout laisser sur place quand les policiers l’ont interpellé D’autres ont également expliqué comment, en détention, ils étaient régulièrement bastonnés, insultés, privés de soins et de nourriture.

Arrivés à Bamako, les malheureux pensent que leur calvaire est enfin terminé. C’est aller un peu vite en besogne À l’aéroport, personne ne les attend. Pas même le Comité d’accueil des refoulés. Seuls quelques gendarmes et policiers, bientôt rejoints par le sergent Nouhoun Coulibaly, chargé des rapatriements à la Protection civile, viennent à leur rencontre, surpris de les voir ainsi débarquer. Les représentants de la Croix-Rouge malienne, du ministère des Maliens de l’extérieur et du Haut Conseil des Maliens de l’extérieur n’ont pas été prévenus. Tripoli n’a pas jugé bon d’informer les autorités de sa décision
Conduits à la brigade des sapeurs-pompiers de Sogoniko, les cent cinquante-six expulsés devront attendre jusqu’à 11 heures du matin avant de pouvoir quitter les lieux, le temps de recevoir un peu de nourriture et quelques soins. Mais aucun dispositif ni aucune somme d’argent n’ont pu être mis à leur disposition pour les aider à rentrer chez eux. Les autorités n’ont pas eu le temps de s’organiser. « Je suis moi-même allé acheter du paracétamol pour les fiévreux, avant de raccompagner l’un des expulsés à son domicile, raconte un témoin. Le comportement de Tripoli est inqualifiable, d’autant que ce n’est pas la première fois, s’emporte-t-il. Il s’agit du troisième groupe de refoulés depuis le début de l’année qui affirment avoir été victimes de violences en Libye. Kadhafi fait pire que Nicolas Sarkozy ! »

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