Que reste-t-il des Tunisois ?

Publié le 30 septembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Faut-il donner raison à cet internaute en colère qui, du fin fond de la Tunisie, à Gafsa plus précisément, tempête : « Tout le monde sait que c’est avec notre phosphate que Tunis, Sousse et Sfax sont ce qu’ils sont aujourd’hui. C’est avec le sang de nos fellagas que la France a donné l’indépendance à ce pays. Et pourtant, il y a encore des gens pour croire que nous leur sommes inférieurs ! » « Nous », vous l’aurez compris, ce sont les gens de l’intérieur, Gafsiens, Keffois, Gabésiens Le propos est sévère, mais force est de reconnaître que dans la capitale, les régions et les barranias (les personnes venues de l’extérieur) sont déconsidérées. Il y a quelques années, le mariage d’un citadin avec une « bédouine » était mal vu par ceux-là même qui, aujourd’hui, continuent à déplorer l’installation de « paysans » dans la médina de Tunis, invoquant sans rougir les mots d’Ibn « Khaldoun, idha urribat khurribat » (« les lieux qui s’arabisent se détruisent »), et qui se réjouissent des fêtes de l’Aïd parce qu’elles renvoient les ruraux dans leur village Un ostracisme dont les gens du Sahel – plus nantis et dont l’accent n’est pas sans rappeler celui de Tunis – sont quelque peu épargnés. Passé Medjez el-Bab, il est d’usage de manifester du mépris pour les gens du Nord-Ouest, les « 08 », en référence à l’indicatif téléphonique de leur région. À partir de Gafsa, au centre, et au-delà de Sfax, en allant vers le sud, les clichés ont la vie dure. Les Djerbiens sont des « radins », les natifs de Béja sont des ouled chaar, « fils des tentes », ceux de Jendouba, « des gens d’en bas », etc.

Ces préjugés dont usent avec brio les humoristes, tel Lamine Nahdi, sont bien ancrés dans l’esprit des Tunisois. La réalité est pourtant différente. Les enfants de l’intérieur se sont affranchis de la tribu, ne se marient plus entre cousins, vont à l’école de la République et réussissent de belles carrières. Ces ruraux qui portent l’histoire du pays, ces provinciaux dont les pères ont libéré la Tunisie, dont les parents se sont exilés, dès les années 1950, pour offrir la manne financière et le savoir nécessaires à la modernité du pays, sont les derniers résistants à l’uniformisation des manières, des langages et des expressions culturelles.

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Et pour faire sourire notre internaute en colère, je lui répéterai cette expression entendue dans une ville de l’intérieur à propos des Tunisois de souche, les Baldiyya : « Des Tunisois, il ne reste que le Baldi », une marque de yaourt. C’est de bonne guerre.

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