L’assassinat d’Anouar el-Sadate

Publié le 30 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 6 octobre 1981, huit ans jour pour jour après le déclenchement de la guerre d’octobre 1973, seule demi-victoire militaire arabe contre Israël, le président égyptien Anouar el-Sadate, qui avait entre-temps « trahi son camp » en signant une paix séparée avec l’État hébreu, tombe sous les balles d’un commando de soldats islamistes.
L’exécution est l’uvre des takfiris, la plus radicale des organisations islamistes égyptiennes. Groupe clandestin ayant des ramifications dans l’armée, Takfir wal Hijra (« repentir et retraite ») s’est constitué sur les cendres de la défunte Organisation de libération islamique. Préparé depuis deux ans, l’attentat aurait normalement dû avoir lieu à la mi-septembre, mais les plans du sous-lieutenant d’artillerie Khalid Hassan Chafiq et de ses trois complices ont été perturbés par l’arrestation de 469 de leurs camarades, le 2 septembre 1981. Une nouvelle date est fixée : le 6 octobre, jour d’une grande parade militaire à laquelle Chafiq doit participer. Le sous-officier fait monter ses complices dans la benne d’un camion Zil de fabrication russe.

À 13 h 02, alors que la parade touche à sa fin, l’engin arrive à la hauteur de la tribune officielle, où le raïs, entouré de plusieurs centaines d’invités, a pris place deux heures auparavant. Les quatre hommes sautent du camion. Chafiq dégoupille une grenade qu’il lance en direction de la tribune. Ses complices tirent une première, puis une seconde rafale sur les premiers rangs. Arrivé à la hauteur du parapet, Chafiq pointe son kalachnikov en direction du président, qui gît à terre, et tire sur lui une rafale à bout portant. Atteint de cinq balles, dont deux près du cur, Sadate est évacué par hélicoptère vers la clinique de Maadi, où il arrive en état de mort cérébrale. Deux heures durant, onze chirurgiens font l’impossible pour le ranimer. En vain, bien sûr
L’opération a duré très précisément 23 secondes. Alors qu’ils se replient, les membres du commando sont pris sous le feu des parachutistes de la garde présidentielle, étrangement passifs jusque-là. Grièvement blessés, ils survivront, seront jugés et exécutés, en avril 1982. Assis à la droite du raïs, le vice-président Hosni Moubarak a eu le réflexe de se jeter sous sa chaise : il est miraculeusement presque indemne. La main droite bandée, c’est lui qui, vers 20 heures, annonce à la télévision la mort de Sadate. Son interminable règne commence. Il dure encore.

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En signant une paix séparée à Camp David, en 1978, Sadate a, sans l’avoir voulu, fourni la matrice de toutes les négociations ultérieures d’Israël avec la Jordanie (1988), l’OLP (1994) et peut-être, demain, la Syrie. Il n’est pas mort pour avoir fait le voyage de Jérusalem, en 1977, ni pour avoir tendu la main à son ennemi d’hier, mais pour avoir cédé l’ultime atout arabe – la reconnaissance de l’État hébreu – sans obtenir en échange plus que quelques arpents de sable. La faute à la mesquinerie de son partenaire, Menahem Begin, qui n’a pas su se montrer à la hauteur de l’événement ni saisir l’occasion historique de sceller une paix juste et définitive entre Israël et les Arabes. La faute, aussi et surtout, à une terrible erreur d’appréciation du raïs lui-même, qui a cru que les Américains pouvaient sincèrement troquer leur costume d’allié inconditionnel de l’État juif contre celui d’honnête courtier de la paix au Proche-Orient
Pour les obsèques, tous les dirigeants occidentaux ont fait le déplacement. Begin aussi est là, mais pas les leaders arabes, qui, ayant rompu avec Le Caire après Camp David, ont snobé l’événement, à l’exception du Soudanais Jaafar al-Nimeyri, du Somalien Siyad Barre et du sultan Qabous d’Oman. La cérémonie, écrivent les envoyés spéciaux du Monde, est « d’une pompe, d’une minutie et d’une retenue tout à fait occidentale ». Quel contraste avec les grandioses obsèques de Nasser, suivies par des millions de Cairotes inconsolables !

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