En passant par l’Andalousie
Atteindre la Costa del Sol est un petit soulagement pour tous les Maghrébins d’Europe du Nord qui, le temps d’un été, « retournent au bled ». Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus depuis Paris, Bruxelles ou Amsterdam à bord de voitures surchargées, l’arrivée sur la – si bien nommée – Côte du Soleil indique la fin prochaine des longues heures passées à regarder défiler un paysage écrasé par la chaleur estivale. Dès Barcelone, sur l’autoroute de la Méditerranée, des panneaux invitent le voyageur à prendre ses billets pour le ferry assurant la traversée entre Algésiras, Ceuta et Tanger. La terre africaine, enfin, n’est plus très loin
Autour de la bande d’asphalte qui serpente le long de la Grande Bleue, l’Andalousie fait parfois penser au Maghreb tant désiré. À quelques dizaines de kilomètres dans les terres, derrière une imposante barrière montagneuse, l’Alhambra de Grenade et la Giralda de Séville – construites sur le modèle de la Koutoubia marrakchi et de la Tour Hassan r’bati – rappellent la glorieuse époque d’Al Andalous, lorsque la province était la tête de proue des royaumes almoravides et almohades en Europe. Mais à l’image de la Mezquita de Cordoue, défigurée par la cathédrale baroque qui trône en son centre, ces édifices rappellent aussi que la région fut le cimetière des ambitions maures sur le Vieux Continent, dont les « Mahométans », comme on les appelait alors, ont été définitivement chassés en 1492 par les Rois Catholiques
Toujours aussi séduisante, l’Andalousie voit aujourd’hui déferler des « conquistadors » très différents. En maillot de bain et lunettes noires, armés d’un parasol et d’un transat, ce n’est plus du sud qu’ils déferlent, mais plutôt du nord, pour grappiller quelques-uns des « 300 jours de soleil par an » revendiqués par l’Andalousie dans ses dépliants. Alors qu’elle a vu naître l’un des pères du cubisme, le peintre Pablo Picasso, Malaga compte davantage sur le beau temps pour construire sa réputation Un peu plus de 500 ans après la Reconquista, elle est, en effet, devenue l’un des lieux phares du tourisme balnéaire européen. Torremolinos, Puerto-Banus, Marbella : la Costa del Sol abrite quelques-unes des stations les plus huppées du bassin méditerranéen. À flanc de montagne, sous les cabines du téléphérique de Benalmàdena, qui conduit au sommet du mont Calamorro, à 771 mètres d’altitude, mais aussi entre les golfs, les restaurants de luxe et les casinos, de vastes panneaux publicitaires proposent aux automobilistes villas et appartements à vendre ou à louer. Les prix sont souvent exorbitants. Se sentant à l’étroit à Saint-Tropez et Portofino, la jet-set a, là aussi, décidé d’investir ses milliards en s’amusant
Rural, l’arrière-pays offre un cadre plus apaisé. Après Ojén, la route de Ronda serpente au cur d’une chaîne montagneuse où se nichent de petits villages aux murs blancs agrippés à leurs promontoires rocheux. Ramassés, comme repliés sur eux-mêmes, ils ressemblent à des cités fantômes aux heures les plus chaudes de la journée, avant de s’animer une fois la nuit tombée. Autour, les cultures s’entremêlent sur les terrains les moins pentus. Sur fond de ciel bleu, le jaune des blés et le vert des oliviers – les deux piliers de l’agriculture méditerranéenne, déjà cultivés du temps de la Bétique romaine – forment un chatoyant tableau mis en valeur par la luminosité, réputée, de la région. Effectivement, le « bled » n’est plus très loin
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