Vos lettres et emails sélectionnés

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 6 minutes.

Hommages sélectifs
Deux tours s’effondrent à New York, faisant des milliers de morts. Le monde entier observe une minute de silence pour leur rendre hommage. Attentats dans le métro londonien,
une cinquantaine de morts (voir J.A.I. n° 2322), on nous dit « le monde est en danger » et on sollicite encore une minute de silence. Chaque jour, des Irakiens qui ne demandent
qu’à embrasser leurs enfants avant d’aller se coucher se font massacrer indifféremment par les « libérateurs » ou les « résistants ». Nous sommes émus, puis nous tournons la page. Les 800 000 morts rwandais, ceux également nombreux de l’ex-Zaïre tombés depuis 1998, à combien de minutes de silence ont-ils eu droit ? Qui s’émeut des Soudanais victimes des milices Djanjawid armées par Khartoum ? Pourquoi une telle différence de traitement ?

Difficile réinsertion des ex-combattants
Le problème de la réinsertion des anciens combattants, dans les pays africains qui sortent d’un conflit, est un souci pour leurs recruteurs une fois qu’ils sont parvenus au
pouvoir. Abandonnés à eux-mêmes, ils se métamorphosent bien souvent en bandits de grand chemin, au grand dam des populations qui subissent leurs agressions répétées. Si des actions conjointes menées par les gouvernements et les organisations internationales ou les ONG permettent parfois de les neutraliser, il convient de dénoncer l’attitude ingrate
de nombreux chefs rebelles qui, une fois parvenus à leurs fins, oublient tout simplement ceux grâce à qui ils ont gagné.

la suite après cette publicité

Le Bénin, modèle de démocratie
Le président béninois Mathieu Kérékou a refusé de réviser la Constitution de son pays pour briguer un troisième mandat (voir J.A.I. n° 2323). Il démontre ainsi qu’un « général
qui gagne » ne doit pas nécessairement se cramponner éternellement au pouvoir. On peut aider à la stabilité et au développement de son pays hors du fauteuil présidentiel. Le
Bénin donne là une bonne leçon de démocratie, en particulier à la Guinée, gouvernée elle aussi par un ancien général.

États-Unis : dur d’être arabe
L’Amérique n’est plus que l’ombre d’elle-même. Depuis le 11 septembre 2001, les lois en vigueur et, surtout, l’attitude des Américains vis-à-vis des étrangers ont changé beaucoup de choses. Les Américains d’origine arabe sont les premiers à pâtir de cette nouvelle réalité : ils vivent dans un pays qui est le leur mais dans lequel ils ne se sentent plus chez eux. Il est impressionnant de voir comment les grandes villes se sont
vidées des touristes venus des pays du Golfe, que l’on voyait passer leurs vacances à New York ou Miami et dépenser leurs pétrodollars. Aujourd’hui, on ne leur donne plus de visas et ils ne sont plus les bienvenus. L’Arabe est maintenant celui dont il faut se méfier, qu’il faut éviter, car, pour beaucoup, il représente le visage du terrorisme aveugle.
Espérons que le monde dans lequel nous vivons retrouvera bientôt un semblant de sérénité et de paix, car, chaque jour qui passe, nous nous enfonçons un peu plus dans le désespoir.

Étrangers à l’islam
La Grande-Bretagne a vécu deux chocs en moins de deux semaines (voir J.A.I. n° 2322). Les organisations musulmanes françaises, comme le Conseil régional du culte musulman (CRCM) auquel j’appartiens, s’en émeuvent et expriment leur condamnation la plus ferme de ces
attentats qui révèlent un mépris absolu pour la vie humaine. Aucune raison au monde, supposée ou réelle, ne peut justifier des actes barbares étrangers à l’islam, religion de paix qui prône le « vivre ensemble » entre les peuples. Les mosquées ont appelé les
musulmans à combattre sans ambiguïté l’extrémisme et le terrorisme, car ceux-ci ne peuvent tolérer ce que ces messagers de la haine font au nom de l’islam. Le CRCM a également invité les responsables politiques à plus de retenue dans leurs déclarations, car il n’est pas non plus acceptable que toute une frange de la société soit stigmatisée au nom de la lutte contre le terrorisme.

Contre le système de l’aide
Au moment du G8 de Gleneagles, en Écosse (voir J.A.I. n° 2322), j’ai entendu la phrase suivante : « La plupart des pays d’Afrique qui ont contracté 1 dollar de prêt en 1980 doivent aujourd’hui rembourser 5 dollars. » Cette phrase résume pour moi le contraste attaché à la notion d’aide. Elle se définit comme un soutien, un secours apporté par quelqu’un ou quelque chose. Elle ne signifie pas surendettement ou aggravation des problèmes. Pourquoi l’aide au développement en Afrique conduit-elle au surendettement ? Tel qu’appliqué par les bailleurs de fonds, ce système ne permettra jamais au continent
de sortir de la pauvreté. Voilà pourquoi je suis contre l’idée et le système de l’aide. Il ne faut pas se laisser enivrer par cet argent facile, surtout que dans certains pays, comme le mien, la Guinée, il n’est pas utilisé à bon escient. Au lieu d’être investi dans
l’agriculture, la scolarisation, les systèmes sanitaires, il ne fait le bonheur que de nos dirigeants.
Pour vraiment aider l’Afrique, il ne faut pas nous donner de l’argent mais des moyens de nous prendre en charge. Par exemple en achetant notre café au prix réel. C’est ce qu’on appelle le commerce équitable.

la suite après cette publicité

Alternances périlleuses
Ces dernières années, plusieurs pays africains ont connu des alternances. Les anciens régimes, souvent dictatoriaux, ont disparu au profit de dirigeants parfois issus des oppositions, ce qui a donné l’espoir de voir enfin l’Afrique sur les rails de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la bonne gouvernance. En Afrique de l’Ouest, nous devons déchanter. En Côte d’Ivoire, l’alternance a tourné au conflit armé, et, au Sénégal, la plainte pour atteinte à la sûreté de l’État contre l’ancien Premier
ministre Idrissa Seck (voir J.A.I. n° 2323) n’est pas de bon augure.

Quelle solution pour le Sud-Kivu ?
La situation qui prévaut dans le Sud-Kivu est difficilement compréhensible (voir J.A.I. n° 2320). La Monuc et les Forces armées de RDC semblent jouer à cache-cache avec les FDLR, alors qu’elles ont pour mission de les désarmer et de reconduire les combattants dans leur pays d’origine, le Rwanda. On peut se demander pourquoi, au lieu d’être poussés vers la frontière rwandaise, les rebelles parviennent à s’enfoncer dans le Congo profond, où ils poursuivent leurs exactions. On peut aussi s’interroger sur la volonté réelle de les désarmer. Il apparaît clairement que le pouvoir de Kinshasa ne s’est pas encore investi dans la recherche d’une solution durable dans la région. Pourtant, la présence de ces « forces négatives » dans la province du Kivu n’arrange ni les Congolais en général ni les Kivutiens en particulier, ni les Rwandais, tandis que la communauté internationale
reconnaît qu’elles constituent le grand obstacle pour la paix dans la région des Grands Lacs.

la suite après cette publicité

Les intellectuels et le terrorisme
Je suis d’accord avec Zyad Limam lorsqu’il dit dans son « Post-scriptum (voir J.A.I. n° 2323) que rien ne justifie les actes de terrorisme.
L’obscurantisme qui est à l’origine de ces actes de terreur a trois causes essentielles : l’absence de démocratie, le sentiment d’injustice dans le conflit au Moyen-Orient et les mauvaises conditions socio-économiques qui touchent environ quatre cinquièmes de la population mondiale. Ces problèmes ne peuvent être résolus séparément, mais de façon conjointe.
Les pays occidentaux, qui bénéficient des quatre cinquièmes de la richesse mondiale, pensent que la démocratisation, même par la force, est une première solution, même si elle ne plaît ni aux dirigeants ni aux peuples, qui y voient une forme de néocolonialisme.
Résoudre équitablement le conflit du Moyen-Orient, guider les pays vers la démocratie, diminuer la pauvreté par une meilleure répartition des ressources devrait donner du coeur aux élites. Elles seront alors capables de mener leurs pays vers des jours meilleurs et de convaincre leurs compatriotes que le fanatisme ne mène qu’au chaos. C’est, à mon avis, le seul moyen d’éradiquer le fléau du terrorisme. En attendant, les opprimés du monde n’ont pas d’autre arme. Les intellectuels dont vous parlez ne justifient rien, mais ils comprennent.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires