Coup de tonnerre chinois

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Après une quinzaine d’années de recherches dans les laboratoires publics, la Chine est le premier pays prêt à autoriser la commercialisation d’un riz transgénique. […] Chargés de conseiller le ministère de l’Agriculture et les plus hautes instances du gouvernement qui prendront la décision finale, plusieurs chercheurs ou économistes chinois prévoient la mise en culture de ce riz par des paysans à des fins commerciales d’ici à 2007, peut-être même dès 2006. […]
« Nous avons obtenu des riz performants, testé leur innocuité pour l’environnement et terminé la phase de préproduction dans nos champs. Tout est concluant, on n’attend plus que la décision politique pour avancer vers la commercialisation », explique Gongyin Ye, directeur du laboratoire d’entomologie de l’université de Hangzhou […] et l’un des pères du riz dit Kemingdao (KMD). Sa particularité ? Il contient le gène Cry lab issu d’une bactérie du sol, Bacillus thuringiensis (Bt), qui fabrique naturellement une toxine capable de venir à bout de plusieurs insectes de la famille des pyrales, prédateurs de la céréale. Aux yeux des scientifiques, ce type de riz offre le plus gros potentiel. « Les pyrales attaquent 75 % des rizières chinoises et causent des pertes de 1 milliard de dollars par an », estime Zhu Zhen, professeur à l’Institut de génétique et de développement biologique de l’Académie des sciences de pékin. Ce chercheur a lui-même mis au point un autre riz résistant aux insectes, le riz GM II-Youming 86, dont le gène CPTi (Cowpea Trypsin Inhibitor), récupéré chez le pois, empêche les prédateurs du riz de le digérer. […]

Une dizaine de graines transgéniques attendent aujourd’hui dans les pipettes des laboratoires chinois. Parmi elles se trouvent aussi des riz résistants à certaines maladies, tolérants aux herbicides, à la salinité de l’eau ou encore résistants à la sécheresse.
[…] Le riz sera le premier aliment de base transgénique à envahir directement les assiettes – et dans le cas de la Chine, cela représente celles de quelque 1,3 milliard d’individus ! Même en Amérique du Nord, où l’on cultive d’autres céréales OGM qui entrent dans la chaîne alimentaire humaine, les consommateurs les absorbent en très petites quantités et presque uniquement sous forme de produits transformés. En Chine, personne n’y échappera : la population consomme du riz matin, midi et soir, soit 90 kg par an et par habitant – quand les Français n’en mangent que 4 kg en moyenne…
Dans ces conditions, c’est bien une véritable révolution biotechnologique qui s’annonce. Et elle aura des répercussions planétaires. Avec 166 millions de tonnes récoltées en 2003, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le pays le plus peuplé du monde est aussi, et de loin, le premier producteur de riz de la planète. « Si la Chine se met à produire du riz transgénique, le reste de l’Asie suivra sans doute », prédit déjà Zhu Zhen. Les grands pays exportateurs de plantes transgéniques comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie profiteront de l’ouverture d’un immense marché pro-OGM. […]
Les scientifiques se veulent rassurants, le gouvernement a mis sur pied un comité qui se réunit deux fois par an pour statuer sur le riz transgénique. Mais tandis qu’en Europe la moindre parcelle d’OGM peut s’attirer les foudres des écologistes, la population chinoise n’aura probablement pas d’autre choix que d’approuver les décisions de l’État. Pour autant, la communauté des chercheurs et les officiels chinois ne savent pas davantage ce que le futur réservera à ce laboratoire vivant nourri au riz transgénique, et à la biodiversité du pays. Seul l’avenir dira si la Chine a raison de miser sur cet aliment aux risques encore méconnus. […]

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